Transformation des entreprises: les Typologies: volet 3/4

11 avril 2021

Transformation des entreprises: les Typologies: volet 3/4

Par Karim Keita

LA TRANSFORMATION CULTURELLE

La transformation opère également dans le domaine immatériel de la culture d’entreprise. Car elle est en fin de compte une histoire d’hommes et de femmes, confrontés à la nécessité de remettre en cause leurs habitudes de travail, leur manière de penser, leur contribution à l’organisation et à la société. Le changement commence dans les têtes. Une nécessité d’autant plus impérieuse que les jeunes générations n’acceptent plus de rentrer dans le moule de leurs aînés.

C’est par conséquent le rapport au travail, au métier, au statut social qui est en cours de mutation. La profession n’est plus aussi déterminante et structurante qu’auparavant, et les individus cherchent de plus en plus à s’investir, identitairement et émotionnellement, dans des activités extra-professionnelles, bien plus porteuses de sens à leurs yeux.

Certaines entreprises ont pris acte de cette révolution culturelle, se transformant en société à mission, une nouvelle forme d’organisation qui inscrit jusque dans ses statuts ses enjeux de responsabilité sociétale et environnementale. Ce type d’entreprise présente sans  aucun doute les meilleurs gages de réussite dans les transitions digitales et RSE qui reformatent nos sociétés et nos économies.

La révolution culturelle des Millenials

La transmission d’entreprises familiales va connaître des moments difficiles… Les jeunes générations (Millenials, Génération Z etc) ont tendance à s’inscrire en faux contre les anciens modes de management et les pratiques professionnelles traditionnelles. Elles préfèrent « start-upper », quitte à galérer un peu financièrement, plutôt que se bonifier dans des environnements stables et prospères.

Leurs attentes sont moins dans la gratification salariale et le statut social que dans la quête de sens, le besoin de reconnaissance, la volonté de produire un impact dans l’entreprise et dans la société. Les plans de carrière sont devenus anachroniques : la projection se fait sur 2 ou 3 ans, pas davantage.

Ce sentiment d’urgence (environnementale notamment), ce rapport au temps court, les entreprises doivent l’intégrer dans leurs modes de fonctionnement, et pas seulement au niveau de leur marque employeur, afin de pallier aux risques de désengagement de ces jeunes actifs. C’est pour cette raison que tant de grandes entreprises se sont engagées ces dernières années dans des politiques RSE ambitieuses, soucieuses de continuer à attirer les talents et à contenir leur turn-over.

Absorber ses jeunes générations est un défi majeur pour les entreprises, car c’est en les intégrant harmonieusement qu’elles parviendront à se transformer de l’intérieur.

Changement du rapport au travail, au métier

Le rapport individuel au travail, toutes générations comprises,  est aussi un paramètre à prendre en compte dans la transformation culturelle. Il n’est plus l’alpha et l’omega de nos destinées humaines. Au mieux, il est considéré comme une simple composante, nécessaire mais non suffisante, de notre développement personnel et de notre positionnement social. Au pire, il est perçu comme un vecteur d’inégalités sociales et comme le responsable d’une cohorte de troubles psychiques du type burn out, paranoia sociale, dépression nerveuse…

Face à ce changement de paradigme, qui est au cœur du processus de transformation de nos sociétés, les organisations sont dans l’obligation de mettre en place un environnement moins coercitif, plus harmonieux, pour que chaque collaborateur ait la possibilité de trouver un minimum de sens et de confort psychologique dans l’exécution de ses taches quotidiennes.

Ainsi certaines sociétés, adeptes de l’holacratie, autorisent leurs salariés à travailler selon des horaires personnalisés, au bureau ou à leur domicile, en autonomie complète, sans relations hiérarchiques institutionnalisées. Une manière radicale de libérer les énergies créatives, mais surtout de disrupter les représentations collectives traditionnelles du travail, qui inclinent au conservatisme, dans le but de faciliter la transformation structurelle de l’entreprise

Le cas des entreprises à mission

En poussant à son paroxysme cette disruption « mentale », on parvient au stade ultime de société à mission. Introduite par la loi PACTE en France en 2019, la qualitéde société à mission donne naissance à un nouveau modèle d’entreprise, puisque ladite mission, à portée sociétale et/ou environnementale, est inscrite explicitement dans les statuts de la société, acquérant ainsi une valeur juridique et opposable aux engagements économiques pris par l’entreprise. Ce modèle de gouvernance s’inspire des Benefit Corporations Américaines, dont les modèles d’affaires sont orientés prioritairement vers des enjeux de responsabilité sociétale et environnementale, et qui protègent juridiquement ce type de mission (« mission-lock ») afin que la Direction Générale de l’entreprise puisse s’affranchir (en partie…) des injonctions financières d’actionnaires plus réceptifs aux impératifs de rentabilité que de moralité.

La société à mission, dont le modèle le plus proche en Suisse serait sans doute les B Corp, est non seulement l’aboutissement d’une transformation totale de l’entreprise, mais aussi un formidable agent de transformation de nos économies. Parce que, loin de se limiter, comme certaines politiques de RSE, à neutraliser les impacts négatifs (empreinte carbone, destruction d’emplois, discrimination…) inhérents à toute organisation, elle réinvente le rôle citoyen de l’entreprise. Celle-ci ne doit plus être vue comme un montage complexe d’actif et de passif à optimiser, mais comme un agent d’innovation économique, technologique et sociale, soucieux d’apporter une contribution positive au monde. Dans ce registre, on ne peut que saluer l’initiative courageuse et audacieuse d’Emmanuel Faber, CEO de Danone, 1ère (et seule…) société du CAC40  à s’être officiellement engagée à se convertir en société à mission. Sa récente éviction du groupe va sans doute contrarier la dynamique amorcée, mais le plébiscite massif des salariés pour ce projet de transformation empêchera certainement sa remise en cause, quelles que soient les contre-performances financières que pourrait rencontrer la multinationale.

Pour plus d’informations https://masoda.ch/

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