Valeur ajoutée : non ! Ajouter la bonne valeur : oui !

13 janvier 2020

Valeur ajoutée : non ! Ajouter la bonne valeur : oui !

Par Thibaut Gallineau

La comptabilité définit clairement que la valeur ajoutée représente « la marge sur le chiffre d’affaires après paiement de tous les frais facturés par les fournisseurs (p. ex. matières premières, énergie, loyers, sous-traitants, factures diverses). » Elle constitue essentiellement la partie du trésor qui reste après le dernier combat pour la défense et la préservation de toutes les valeurs créées, reçues, transmises ou modifiées. Elle est ce qui persiste de manière inaliénable et que personne ne peut vous ravir. C’est votre valeur, que personne ne peut reproduire aussi bien que vous. C’est votre pleine humanité qu’aucun robot ne pourra jamais cloner.

Prenons l’exemple d’un petit bébé de quelques mois. Il ne tient pas assis, ne parle pas encore, ne fait pas grand-chose à part boire, dormir, pleurer et se soulager. Pourtant, ce bébé est si unique et si drôle quand il joue avec son papa ou sa maman à « caché coucou ! » ou quand il s’endort doucement dans les bras de ses parents avec un léger sourire. Son unicité et sa façon de réjouir ses proches sont la plus grande et la plus belle valeur qu’il ait ajoutée dans ce monde.

Revenons maintenant dans notre monde professionnel, beaucoup moins angélique et enfantin… Rechercher sans cesse la valeur ajoutée, le progrès absolu ou la perpétuelle amélioration est un parfait non-sens. Bon nombre de managers naviguent à vue dans un grand océan de non-sens sans suivre le moindre petit cap de bon sens. Ainsi, les voilà en quête de grandes optimisations et de nouvelles sources d’innovation sans avoir le moindre sens d’orientation. Un grand projet ne pourra ainsi se réaliser sans la recherche de la bonne valeur : et c’est justement celle-ci qui fait cruellement défaut.

La bonne valeur à ajouter est souvent bien plus simple que celle recherchée. Cette tendance à rechercher des valeurs très techniques, sophistiquées voire idéalisées, est le plus souvent trompeuse. J’ai ainsi eu la belle surprise de constater que, dans des situations professionnelles tendues, la bonne valeur ajoutée se trouvait loin des hard-skills recherchées (p. ex. une présence apaisante, un sens éprouvé de l’engagement, un bon sens de l’humour quand la situation semble totalement compromise). Et qu’est-ce que l’humour si ce n’est une intelligence émotionnelle doublée d’une intelligence de situation (situational awareness) ?

En réalité, le rythme de l’entreprise est semblable à une œuvre musicale. Le plus souvent, la bonne tonalité nécessaire n’est pas la tonique grosse caisse ou la fascinante guitare électrique, mais bien cette petite mélodie de fond qui assure la continuité et le succès de la musique.

Prenons le cas concret d’un projet d’implémentation d’un système informatique : la valeur critique à laquelle on pense immédiatement serait celle du technicien informatique (développeur ou architecte). Néanmoins, le travail de cadrage (compréhension du modèle de données et de sa cartographie) avec un état d’esprit structuré pour ne pas se laisser déborder par la complexité, sera vraiment la plus grande valeur ajoutée à acquérir et à préserver. Loin des notions de code informatique, l’intervention technique du développeur ne sera ainsi qu’une seule note − espérons-le, la plus juste possible − dans la partition musicale du projet partagée par tous ; et non la clé de voute − ou de sol ! − de la pièce.   

En définitive, cette fameuse valeur ajoutée n’a rien de fictif et, pourtant, elle semble parfois nous narguer par son caractère insaisissable. La personnifier induit ainsi le risque de la rendre unique alors qu’en réalité, nous saisissons sa pleine mesure quand elle est partagée par tous : la bonne valeur à ajouter en entreprise est le plus souvent un état d’esprit ! 

Tout comme une personnalité boute-en-train est plus enthousiasmante qu’un état d’esprit très cartésien, la valeur ajoutée manquante sera plus appréciée et impactante qu’une simple valeur ajoutée parmi d’autres.

En guise de conclusion, je vous livre ce secret d’entreprise, transmis de N+1 à N-1 depuis des générations…

Recette pour un bon projet 

• Une grande dose de motivation

• Une pointe d’humour à-propos

• Un soupçon de jeunesse

• Mélanger le tout avec des grands sourires et des regards complices

• Affermir la pâte obtenue en la roulant dans une détermination certaine pour obtenir une bonne composition qui résistera au temps

• Enfourner le tout dans un esprit orienté livrable à basse température

• Dresser le plat avec une solide armature de protocole pour tenir le tout

• Servir à température ambiante, appréciable par tous

• Déguster avec le plus grand plaisir : celui qui est partagé !

à propos de l’auteur

Crédit photo © Studioregard.ch

Chef de Projets Indépendant pour les Services Financiers et PME de Suisse Romande, Thibaut Gallineau est titulaire d’un double Master en Management et en Finance. Sa passion pour construire la meilleure proposition de valeur et sa curiosité intellectuelle lui ont permis devenir Enseignant-Chercheur à l’EDHEC Value Creation Research Centre by EDHEC Business School, Professeur Associé à l’International Management School Geneva et à l’EM Strasbourg. Marié et père de 4 enfants l’ennui ne fait heureusement pas partie de sa vie.

 

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