Yvonne Belema, le combat de toute une vie

21 juin 2023

Yvonne Belema, le combat de toute une vie

Par Sylvie Macquet

L’état déplorable des toilettes au Cameroun pénalisait, il y a encore quelques années, la scolarité des enfants dans les écoles. Ce manque d’hygiène a eu un impact déterminant sur Yvonne Flore Belema, puisqu’elle en a fait le combat de toute une vie. Grâce à son énergie et sa détermination, les conditions d’apprentissage des enfants se sont fortement améliorées.

Au Cameroun, il y a quelques années encore, les toilettes étaient le lieu de toute sorte d’infections, d’addictions voire de violences, touchant filles et garçons. Pendant les périodes des règles, les filles ne venaient plus à l’école faute de pouvoir se changer dans de bonnes conditions. Leurs résultats baissaient, créant une inégalité supplémentaire. Les infections étaient monnaie courante, engendrant même pour les futures femmes le risque de ne plus pouvoir enfanter.

Petite association devenue ONG

Yvonne Flore Belema a personnellement souffert d’une infection sévère. Pleine d’énergie et d’idées, elle a en fait un sujet de résilience. S’appuyant sur certains articles de la convention des Nations Unies qui met l’accent sur l’accès à un environnement sain à l’école, elle a créé en 2017 une association d’aide hygiénique et d’insertion des jeunes dans les collectivités. Cinq ans plus tard, la petite association est devenue l’ONG ACAHIJEC. Les financements de l’Unicef, de l’OMS et de l’Unesco pour l’installation de points d’eau, ainsi que la contribution des parents en fonction de leurs possibilités, ont permis la pérennisation du projet. Une belle réussite pour sa créatrice et tous ceux qui œuvrent pour que les conditions d’hygiène dans les écoles n’entravent pas l’apprentissage des élèves.

À la création de l’association, Yvonne Flore Belema a alors identifié trois combats prioritaires : séparer les espaces filles et garçons, puis réhabiliter les toilettes, et enfin affecter du personnel formé pour les nettoyer. Avec son association devenue ONG, elle s’est attaquée à un chantier de taille : sensibiliser les chefs d’établissement des dix régions du pays. « Nous avons rencontré beaucoup d’obstacles, les parents ont d’abord hué le projet », explique-t-elle. Mais à force de conviction et de sensibilisation, les médias entre autres, puis les écoles ont peu à peu pris le sujet au sérieux. Les toilettes ont été agrandies, cloisonnées, carrelées. Des points d’eau y ont été installés. Des équipes dédiées ont été formées pour y maintenir la propreté. Alors que le papier toilette était un luxe, il est devenu un produit de consommation courante, disponible pour tous les élèves.

Le métier de technicien de surface valorisé

L’équipe a fait un gros travail d’éducation auprès des élèves, qui se sont peu à peu appropriés ces espaces. « Nous avons aussi valorisé le métier de technicien de surface », tient à préciser Yvonne Flore Belema. Le réinvestissement des toilettes en… toilettes, avec un personnel dédié, a mis fin dans ces lieux aux violences, drogues, viols ou jeux de hasard. Yvonne de s’amuser : « Désormais, on nous appelle ‘la brigade anti-insalubrité’. » Les missions de l’ONG de vingt personnes se sont élargies, créant un centre de formation professionnel, ainsi qu’un syndicat pour protéger les techniciens de surface.

« Aujourd’hui, le travail de mon ONG fait tache d’huile », se félicite Yvonne. Au Cameroun, les mairies, les hôpitaux, les commerces et restaurants, les équipements sportifs s’intéressent au projet. « Le mois dernier, j’ai même été reçue par le Président de la République et ai été élue femme du mois au Cameroun dans le cadre de la journée internationale de la femme du 8 mars dernier. » Un travail est également réalisé sur la pré-collecte des déchets et la diminution des dépôts sauvages. Au-delà des frontières camerounaises, Yvonne Flore Belema est invitée au Burkina, en Côte d’Ivoire et dans d’autres pays africains pour partager son expertise. Yvonne est fière de cette réussite : le projet a résolu bon nombre de problèmes au niveau de l’accès à l’école pour tous, et il a créé de nombreux emplois, pour les jeunes des quartiers en particulier.

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