Par Cathy Gidrol
En Suisse, les entreprises font face à un véritable tournant générationnel. Chaque année, plus de 70 000 jeunes de moins de 30 ans entrent sur le marché du travail (OFS, 2023). Parmi eux, une majorité appartient à la génération Z, des profils nés entre 1995 et 2010. Ces jeunes apportent avec eux une vision du monde professionnel fondée sur le sens, la rapidité, l’impact social, et un rapport beaucoup plus fluide à la hiérarchie et aux frontières entre vie personnelle et vie professionnelle.
De leur côté, les dirigeants et cadres suisses, souvent issus des générations X ou Y, éprouvent des difficultés à les intégrer efficacement, sans diluer leur culture d’entreprise. Une PME genevoise du secteur des technologies a récemment rapporté que 4 jeunes sur 10 embauchés en 2022 avaient quitté l’entreprise dans les 12 mois. Non pas par manque de compétences ou d’opportunités, mais par un décalage total entre leurs attentes et la culture interne.
Les jeunes ne craignent pas de changer, de remettre en question les modèles. Ils veulent être utiles, écoutés, alignés. Leur rapport au travail est moins vertical, plus participatif. Selon une étude Deloitte (2022), 49 % des jeunes de la génération Z suisses estiment que l’épanouissement personnel est plus important que la sécurité de l’emploi.
Ce n’est pas une guerre de valeurs, c’est une opportunité de renouveau. Mais cela suppose d’accepter d’adapter les méthodes d’intégration, de formation et de management. À Zurich, une entreprise de services financiers a mis en place des « binômes générationnels » : chaque nouveau collaborateur de moins de 28 ans est accompagné par un mentor de plus de 45 ans pendant les 6 premiers mois. Résultat ? Une baisse de 22 % du turn-over sur ces profils.
Un ADN d’entreprise solide ne signifie pas rigidité. C’est justement parce que l’identité est claire qu’elle peut s’ouvrir. Une société vaudoise du bâtiment, familiale depuis trois générations, a su intégrer 5 jeunes apprentis en mettant en place des journées « histoire d’entreprise » : visites sur les anciens chantiers, présentation des fondateurs, discussion autour des valeurs. Ces jeunes sont aujourd’hui les plus engagés de leur promotion.
Les jeunes de la génération Z ne rejettent pas les traditions : ils cherchent à comprendre, à y apporter leur contribution. Un ADN fort devient alors un tremplin, pas une prison. Encore faut-il le rendre lisible, raconté, incarné.
Intégrer les jeunes ne signifie pas se trahir. Cela signifie accepter que le monde change, que les repères évoluent, mais que certaines valeurs fondamentales peuvent être redites autrement. C’est une chance de revisiter sa mission, de renforcer sa cohésion et de préparer la suite.
Les entreprises suisses les plus résilientes sont souvent celles qui savent articuler avec intelligence la transmission et l’innovation. Dans un pays où le savoir-faire est une tradition, n’oublions pas que le « faire savoir » est aussi une clé pour les générations futures.
Et si intégrer les jeunes de la génération Z devenait l’occasion de réaffirmer fièrement qui vous êtes, tout en leur ouvrant la porte pour construire le monde de demain ?
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