La solution n’est pas l’envers du problème. Par Claudia Schweizer

16 mai 2012

La solution n’est pas l’envers du problème. Par Claudia Schweizer

Un directeur convoque une réunion de travail avec ses cadres. Son objectif du jour: trouver les moyens de faire face à un absentéisme de plus en plus important. Il ouvre la séance en exprimant son souci (de nombreux collaborateurs ont des absences répétées) et demande à ses cadres d’où vient, à leur avis, le problème.

Le débat qui s’en suit est animé, chaque participant à en effet une idée précise de ce qui est à l’origine de la situation: trop de pressions, collaborateurs incompétents, manque de vision sur les objectifs… Et ils ne sont pas toujours d’accord entre eux, loin s’en faut. La discussion s’enlise dans une tentative de trouver la bonne explication.

L’espoir sous-jacent à ce type de débat est qu’une problématique bien définie, bien délimitée permet de trouver une solution adéquate, dans une logique somme toute très cartésienne: le problème est-il du à une pression trop grande en termes de rendement? Il suffit alors de baisser le niveau de rendement exigé (ou peut-être d’engager de nouveaux collaborateurs?). S’il s’agit d’un manque de clarté perçu quant aux objectifs de l’entreprise, il faut sans aucun doute plus ou mieux expliquer (ou engager des collaborateurs capables de comprendre plus rapidement?). Et peut-être sera-t-il nécessaire d’agir sur tous les fronts à la fois. Mais aura-t-on ainsi atteint l’objectif? Et au prix de quelles contraintes?

Et s’il en était autrement? Si la solution n’était pas l’envers ou la négation du problème? Si elle était à trouver au-delà du problème, dans ce que les personnes et l’entreprise recherchent et visent? Voyons de quelle manière se déroulerait une séance de travail orientée sur les solutions:

Le directeur ouvre la séance en exprimant son souci (de nombreux collaborateurs ont des absences répétées) et demande à ses cadres de réfléchir à ce que serait l’entreprise si ce problème avait disparu. Plusieurs visions pourraient alors émerger; l’une d’elle pourrait esquisser les contours d’une entreprise où les collaborateurs ont du plaisir à venir le matin parce que leur travail y est valorisé et parce que les collaborations y sont saines. L’équipe de direction pourrait approfondir cette représentation de leur entreprise en explorant la question suivante: comment le collaborateur perçoit-il que son travail est valorisé?

Voici quelques réponses possibles: le matin, lorsque le collaborateur s’installe à son poste de travail, son chef d’équipe le salue et lui reprécise ses tâches pour la journée au besoin; il bénéfice d’une salle de pause aérée et équipée d’une machine à boissons; il reçoit régulièrement un feed-back de son chef; son travail est mis en relation avec les objectifs et les résultats de l’entreprise… Après avoir ainsi travaillé sur les indicateurs très concrets répondant à cette question, l’équipe de direction pourrait alors se demander comment chaque cadre vivrait sa situation professionnelle avec des collaborateurs qui se sentent ainsi valorisés? A nouveau plusieurs éléments pourraient se dessiner: Une meilleure perspective du sens de leur travail de management, à terme la possibilité de déléguer des tâches plus aisément, probablement une diminution des conflits ou dans tous les cas une meilleure visibilité des conflits potentiels… Arrivé à ce stade de l’élaboration de leur vision de l’entreprise où le problème d’absentéisme a disparu, les cadres peuvent réfléchir au premiers petits pas qu’ils pourront entreprendre qui leur permettront d’avancer vers la situation qu’ils ont imaginée.

Naïve? Simpliste ou bêtement simplificatrice? Bien au contraire! Cette approche guidée par les solutions, et non par les problèmes, porte en elle de multiples avantages. Premièrement, elle permet d’éviter l’écueil de la définition du problème qui est en soit une étape problématique. En effet, les visions du problème sont souvent multiples et ont des ramifications liées à des intérêts personnels qui ne permettent pas une suffisante objectivité: si, en tant que cadre, je dis que le problème est du à un manque de vision sur les objectifs, je risque bien de me voir reprocher mon manque de communication à ce sujet! Deuxièmement, et c’est lié, le travail autour d’une vision commune de ce qu’est la situation lorsque le problème a disparu est une démarche qui mobilise des énergies positives et qui rassemble.

Il s’avère en effet plus facile de mettre en place des mesures qui visent une situation que l’on souhaite que de tenter d’appliquer des mesures qui cherchent à palier à des problèmes. Imaginez quelle différence d’impact auront ces deux messages: Message à problème « Nous avons un problème d’absentéisme que nous attribuons entre autre à des places de travail non ergonomiques; nous allons donc faire venir un spécialiste pour nous aider à palier à ce problème » Message guidé par une vision: « Nous souhaitons que cette entreprise soit un lieu où vous avez du plaisir à travailler et dans cette optique là nous allons entre autre faire venir un spécialiste en ergonomie pour nous aider à adapter vos places de travail ». Troisièmement, il est intrinsèquement de la responsabilité des cadres de fournir des visions, donc de travailler en amont, afin d’éviter d’agir comme des pompiers une fois que le feu brûle. Aussi, nous pouvons retenir ce principe tout simple: il n’est au fond pas nécessaire de comprendre avec précision d’où vient un problème pour mettre en place des solutions qui permettront de supprimer le problème.

Consultante pour le cabinet conseil cbva SA, Claudia Schweizer collabore avec Le Monde Economique en qualité d’experte

 

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