Un an après le vote contre l’immigration massive: vers un stand-still ou une consolidation avec l’UE?

13 février 2015

Un an après le vote contre l’immigration massive: vers un stand-still ou une consolidation avec l’UE?

L’on sait qu’il y a un an, la votation du 9 février 2014 contre l’immigration massive a conduit à poser sérieusement la question sur l’avenir des accords bilatéraux Suisse-UE, en particulier l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP). Les enjeux ont été à la fois politiques et économiques. Sur le plan politique, parmi les hypothèses envisageables, celle que l’on craignait le plus était l’éventuelle dénonciation de l’ALCP ce qui aurait nécessairement donné lieu à une réflexion plus générale sur l’approche que la Suisse devrait adopter dans se rapports avec l’UE.

Sur le plan économique, des craintes ont été exprimées au sujet de l’effet décourageant que la votation de 2014 aurait sur l’établissement, en Suisse, des entreprises européennes, ainsi qu’au sujet des investissements en Suisse, réalisés depuis l’UE. Il est indéniable que ladite votation a eu un impact sur la confiance de non seulement les institutions de l’UE, mais aussi des opérateurs économiques établis dans les Etats membres de celle-ci.

Cependant, il semble que le bilan économique un an après le vote contre l’immigration massive n’est pas décevant au point où il avait été anticipé. Selon une source (Andreas Keiser, « Le franc fort occulte les incertitudes sur les bilatérales », 4 février 2015, www.swissinfo.ch), ce vote a été un ‘facteur qui se ressent’ mais qui n’a pas produit – au moins pour l’instant – les effets désastreux que l’on lui attribuait. En 2014, l’on constate une augmentation sensible des exportations suisses de 3,5% et une augmentation modeste des importations de ‘seulement’ 0,4%. Sur le plan des investissements, l’on observe, en effet, une certaine retenue de la part des investisseurs européens qui auraient mis leurs projets d’investissement en ‘stand by’. Il faut préciser que le Conseil fédéral dispose d’un délai d’encore deux ans pour l’introduction de l’article constitutionnel relatif à la libre circulation des personnes et aux contingents de travailleurs de l’UE pouvant s’établir et travailler en Suisse. Au cours de ce délai, les autorités suisses tenteront de renégocier l’ALCP de sorte à éviter qu’in fine, cet accord soit dénoncé.

L’impression que le cas de l’ALCP laisse est que les relations bilatérales Suisse-UE sont actuellement relativement fragiles; constat qui ne permet pas d’avoir une vision claire sur la ou les possibles évolutions que ces relations pourraient suivre. Il s’agirait ainsi d’une période de pause et d’attente: aucune décision politique d’importance majeure ne serait prise tant que la question des contingents ne serait résolue. Nous avons donc deux ans de ‘stand still’ devant nous.

Un an après le vote contre l'immigration massive: vers un stand-still ou une consolidation avec l'UE?Cependant, ce ‘stand still’ doit être nuancé en ce sens que le relatif ralentissement des relations politiques – dont les effets économiques sont jusqu’à présent plutôt ‘soft’ – ne doit pas être compris comme un gèle desdites relations. Deux faits peuvent notamment être soulignés: un qui réoriente l’attention vers des questions d’ordre monétaire, un qui peut être interprété comme un indice de la volonté des autorités suisses de consolider les relations avec l’UE.

Premièrement, l’abolition, en janvier 2015, par la Banque nationale suisse du cours plancher de CHF 1,20 pour EUR 1 a conduit à une situation de parité d’échange de ces deux monnaies. Certains des pronostics relatifs aux effets de cette abolition sont alarmants en ce qui concerne, notamment, l’augmentation du chômage, la diminution des exportations et plus généralement, la croissance de l’économie suisse. Toutefois, l’effet que cela a produit sur l’opinion publique a été celui de détourner l’attention vers des sujets d’ordre économique et monétaire, l’avenir politique et juridique des bilatérales étant mis – certes provisoirement – en arrière-plan.

Deuxièmement, le 2 février 2015, la présidente de la Confédération, Madame Simonetta Sommaruga, a rencontré le président de la Commission européenne, Monsieur Jean-Claude Junker. Les échanges concernaient, évidemment, les relations bilatérales Suisse-UE, l’accent étant mis sur la modification constitutionnelle qui doit intervenir suite au vote du 9 février 2014. Un aspect intéressant des discussions a toutefois été la négociation et la conclusion d’un accord-cadre institutionnel pouvant régir des questions fondamentales concernant l’ensemble des accords bilatéraux Suisse-UE. En l’état actuel, chaque accord prévoit des dispositions spécifiques relatives, notamment, à sa mise en œuvre, à la suspension ou la dénonciation et aux règlement des différends. Un accord-cadre institutionnel présenterait l’avantage, sinon d’unifier, au moins d’uniformiser les principes de base concernant l’application des accords bilatéraux. Il s’agirait, en ce sens d’une simplification juridique dans l’application desdits accords, et d’une consolidation des relations Suisse-UE qui proviendrait du fait que malgré les spécificités matérielles de chaque accord, la mise en œuvre, la dénonciation et le règlement des différends prévus dans tous les accords bilatéraux obéiraient aux mêmes principes de base.

Même si le projet d’un tel accord est actuellement encore en discussion, il s’agit d’une solution intelligente qu’il ne faut pas perdre de vue. La période de stand-still ne se traduit donc pas par une inertie en ce qui concerne les avancements dans les relations bilatérales Suisse-UE. Si l’idée d’un accord-cadre institutionnel voit le jour, la période de stand-still serait plutôt une période de préparation et de consolidation de ces relations: en effet, au moment où la Constitution suisse sera modifiée conformément au vote du 9 février 2014,il vaut mieux que les relations avec l’UE soient stabilisées – dans le sens de ‘consolidées’ sur le plan juridique et politique – en ce qui concerne non seulement l’ALCP, mais tous les accords Suisse-UE. Cette approche plus générale semble plus judicieuse qu’une approche sectorielle, consistant à accorder une priorité absolue à l’ALCP dans les deux années à venir, en laissant de côté les autres accords bilatéraux qui ne sont, a première vue, pas directement affectés par le vote contre l’immigration massive.

Me Ljupcho Grozdanovski, Consultant juridique pour le magazine Le Monde Economique et Associate Partner chez Infinitum Legal Services

 

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