Business et compétence interculturelle

19 janvier 2013

Business et compétence interculturelle

3 conflits par jour entre employés vendeurs et une clientèle pluriculturelle dans une des agences genevoises d’une entreprise internationale : la direction en conclut un problème local de compétence interculturelle stricto sensu. Un problème qu’elle souhaite résoudre au plus vite, la peur du conflit commençant selon elle à agir sur la qualité du service et sur les objectifs de vente. Un diagnostic rigoureux permettra d’identifier, entre autres facteurs, une dynamique problématique :

  • Une méconnaissance complète de la clientèle internationale et de certaines régions du monde en particulier, pourtant le public cible de l’entreprise.
  • Un problème d’adhésion du vendeur à une norme interne à l’entreprise qui fait désormais partie de sa pratique professionnelle et à laquelle il n’a pas été formé au plan opérationnel (soit comment l’intégrer aux techniques de vente).
  • Connaissant peu sa clientèle et devant appliquer une norme mal comprise, il en résulte une difficulté d’interagir en situation qu’il perçoit comme interculturelle, ses repères culturels étant bousculés.
  • Cette difficulté d’agir est interprétée de plusieurs manières par le client qui à son tour réagit à des stimuli qu’il ressent comme négatifs.
  • Le vendeur commence à catégoriser les clients les plus réactifs et à ainsi préjuger culturellement les suivants avant que l’interaction de vente ne démarre.
  • Les préjugés à leur tour vont s’introduire dans la qualité de la relation auprès de clients qui vont éprouver une altération de l’interaction commerciale. Clients qui n’auraient peut-être pas réagi négativement au premier stade
  • Et enfin, un système d’enregistrement des données (support informatique à la vente) peu soutenant et adapté.

Pour maîtriser leur crainte du conflit, les vendeurs concernés dans cet exemple avaient commencé à construire des catégories de clients qu’ils ont définies comme culturelles, en fonction de trois paramètres à perception rapide :

  • « l’apparente nationalité » : on pense pouvoir déduire à priori la nationalité/l’origine de la personne en fonction de son apparence
  • le nom de famille inscrit sur la feuille de vente
  • l’accent et la langue

Or, on peut être de parents latino-américains et ne parler que le suisse-allemand. On peut être de patronyme arabe et ne pas être musulman. On peut avoir la peau noire sans être nécessairement originaire d’un pays africain. Le monde se complexifie au plan culturel et identitaire. Les compétences doivent évoluer avec lui.

La catégorisation sociale n’est pas en soi un processus négatif mais dans une dynamique de compétences en contexte de diversité sociale et culturelle, l’action de préjuger doit être impérativement remplacée par la compétence de diagnostic : savoir repérer d’autres indices que les plus évidents pour qu’une action professionnelle se déroule au mieux et aboutisse. L’exemple démontre en effet à quel point il peut être risqué d’isoler d’emblée la compétence interculturelle des autres compétences et du contexte dynamique de travail, interne (ici la nouvelle norme) et externe (les paramètres démographiques et culturels de la clientèle). Il est crucial de préalablement comprendre ce qui pose problème dans les faits.

Etre compétent interculturellement c’est d’abord savoir développer ses compétences métier en contexte de diversité. C’est connaître l’environnement de son entreprise, sa clientèle. C’est être formé régulièrement pour toujours mieux comprendre les ressorts d’un monde en mutations rapides. C’est aussi être soutenu par un outillage technologique adapté. La communication interculturelle tient certes un grand rôle. Mais ce n’est pas en se formant à communiquer avec « telle culture » en dehors de tout contexte que l’on développera cette compétence d’avenir. Les conflits et les malentendus représentent à terme des coûts, un frein à la performance de l’entreprise, un problème d’image et au centre, des valeurs et une éthique altérées. Une directrice stratégique, un vendeur, un responsable marketing, une formatrice, un directeur des ressources humaines, un négociateur, bref, de plus en plus de professions et d’activités professionnelles se développeront dans des contextes humains hétérogènes, dans des interactions hautement technologiques et interculturelles. Le défi de demain ce sont les diversités d’aujourd’hui. Il faut être prêt.

Sarah Khalfallah, Consultante pour le magazine Le Monde Economique – Spécialiste des thématiques liées à la Diversité stratégique & management interculturel

 

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