Entretien d’embauche : droit de mentir ?

4 janvier 2016

Entretien d’embauche : droit de mentir ?

La présente contribution a pour objet de rappeler et de préciser quels sont les droits et obligations d’un candidat en matière d’information à l’égard de son futur employeur potentiel (ci-après : l’employeur) et réciproquement. En particulier, jusqu’où s’étend l’obligation d’un candidat de répondre aux questions de l’employeur ? Ce dernier dispose-t-il d’un blanc-seing en la matière, ou la demande d’information a ses limites?

Sincérité des informations transmises par le candidat :

Le candidat est en principe requis de transmettre un dossier complet à l’employeur (cf. notamment, CV, certificat (s) de travail, diplôme (s), lettre (s) de recommandation, etc.). En pratique, il arrive toutefois que des informations mensongères soient communiquées à ce stade du processus d’embauche. Si l’employeur s’aperçoit du caractère mensonger suffisamment tôt, il renoncera sans doute à conclure un contrat de travail et le candidat pourrait engager sa responsabilité dite « précontractuelle ». Si l’employeur ne s’en aperçoit qu’après avoir engagé le candidat, ce dernier s’expose à différentes sanctions juridiques, notamment un congé ordinaire motivé par l’erreur essentielle de l’employeur, voire un licenciement avec effet immédiat, dépendant de la gravité de la faute.

Documents complémentaires exigés par l’employeur :

Selon une pratique qui a tendance à se généraliser dans de nombreux domaines, il arrive souvent que l’employeur demande, à titre complémentaire et avant même de se forger une idée précise du candidat, un extrait original de son casier judiciaire, ainsi que du registre des poursuites. Mais est-ce légal ? Pour répondre à cette question, il faut déterminer, sous l’angle de la proportionnalité, si ces informations sont indispensables et nécessaires à l’employeur pour évaluer le profil du candidat à exercer le poste à pourvoir.

On estime généralement qu’il doit exister un lien de causalité direct entre les renseignements sollicités et les compétences recherchées pour le poste à pourvoir. Aussi, ce n’est que dans l’hypothèse où le candidat est appelé à occuper un poste de confiance accru, soit en raison d’une position hiérarchique élevée, soit parce que le poste en question est soumis à une réglementation légale spécifique, ou encore qu’il implique un contact direct avec des valeurs financières ou des objets précieux, que l’employeur serait légitimé à exiger du candidat la remise d’un extrait original du casier judiciaire et/ou d’un extrait du registre des poursuites. A contrario, s’il ne s’agit pas d’un poste à responsabilité dans le sens défini ci-dessus, aucun intérêt digne de protection n’autorise l’employeur à examiner systématiquement les antécédents judiciaires ou le « crédit » du candidat. Ces informations relèvent de la sphère privée et n’ont pas à être divulguées.

Informations demandées par l’employeur lors de l’entretien d’embauche :

Lors de l’entretien d’embauche, les questions posées par l’employeur doivent avoir pour but précis de déterminer si le candidat remplit les critères relatifs au poste à pourvoir. Ainsi, les questions qui n’ont pas de lien direct avec le poste sont en principe inadmissibles. Si le candidat est confronté à de telles questions lors de l’entretien d’embauche, il peut théoriquement refuser d’y répondre, voire même décider de donner une réponse fausse. Dans une telle situation, le candidat a donc le « droit de mentir ». Sous l’angle juridique, une partie de la doctrine ainsi que le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence, estiment que le candidat agit alors en légitime défense, en vue de protéger ses données personnelles, voire même dans un état de nécessité, lorsqu’il sait qu’en disant la vérité, le poste lui sera refusé.

La pratique livre quelques exemples intéressants. Le Tribunal fédéral a notamment considéré qu’une candidate à une place d’apprentissage pour une formation de commerce n’a pas à répondre aux questions relatives à son style de vie, en particulier sur les détails de sa vie intime et amoureuse. Par ailleurs, il a été jugé qu’un candidat à un poste de télémarketing n’a pas à expliquer la manière dont il passe son temps libre.

Enfin, une candidate n’a pas à attirer l’attention de l’employeur sur sa volonté d’avoir des enfants dans un avenir proche. A noter que la loi sur l’égalité interdit expressément la discrimination à l’embauche fondée sur une (actuelle ou future) grossesse (art. 3 LEg). Aussi, ce n’est que dans l’hypothèse où la grossesse devait être objectivement incompatible avec le poste convoité, notamment parce que ce dernier devait entraîner des travaux jugés pénibles, dangereux, ou qu’il devait nécessiter une condition physique irréprochable, que la candidate est tenue d’informer spontanément l’employeur de sa grossesse en cours ou planifiée.

Il découle de ce qui précède qu’à chaque fois que les questions posées par l’employeur sont en relation directe avec l’accomplissement du poste à pourvoir, le candidat doit donner des réponses sincères. Tel est le cas, par exemple, lorsque le candidat se présente à un poste de bûcheron ou de déménageur : l’employeur est légitimé à lui demander s’il est apte à faire des travaux de bûcheronnage ou de déménagement. De plus, l’employeur peut également demander au candidat qui se présente à un poste de secouriste par voie aérienne, s’il a le vertige. Ou encore, l’employeur est en droit de demander au candidat qui se présente comme chauffeur de limousine, s’il a des antécédents pour infractions au code de la route.

En conclusion

Toutes les questions qui ont pour but de déterminer si le candidat dispose des capacités suffisantes et nécessaires à accomplir le poste à pourvoir sont licites et le candidat doit y répondre honnêtement. En revanche, si les questions sont intrusives et inadmissibles, le candidat peut refuser de répondre ou même « mentir », ne serait-ce que par omission, dans le but de préserver sa sphère privée. La licéité des questions posées ne peut toutefois pas être définie de manière générale et abstraite, mais se détermine au cas par cas, en fonction du poste à pourvoir et des activités que le candidat pourra être amené à accomplir.

 

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