Fusions-acquisitions : préparer la troisième mi-temps

6 septembre 2016

Fusions-acquisitions : préparer la troisième mi-temps

Du fait de sa pyramide des âges, la Suisse entre dans une décennie où nombre d’entreprises devront changer de mains. Pas une semaine sans qu’un nouveau séminaire où un nouvel article ne soit dédié à la transmission d’entreprise. Une chance pour ouvrir de nouveaux horizons à ces entreprises. Pour les repreneurs, une opportunité afin de renforcer leur position ou d’accéder à une nouvelle dimension.

Les acquisitions sont un moteur privilégié d’une croissance rapide. A une période où la rapidité d’exécution est souvent décisive, elle offre des avantages indéniables par rapport à la croissance organique, plus lente par nature. Pourtant, selon plusieurs études indépendantes de l’ordre de 60 % des acquisitions (d’entreprises) sont des échecs.

Alors comment conserver l’avantage stratégique et minimiser les risques ?

Le chemin du succès passe par le processus d’acquisition et dépend de la manière dont il est mené. Les opérations d’acquisition font rarement partie de la vie quotidienne des entreprises. C’est pourquoi elles sont généralement confiées à des spécialistes, parfois internes, plus fréquemment externes (avocats, banquiers, auditeurs …). Ces professionnels offrent l’avantage d’être rompus à ce genre d’exercice. Ils sont mieux placés que quiconque pour aborder les aspects techniques d’une transaction. La limite est le revers naturel de cette médaille. La plus grande subtilité peut être mise en œuvre pendant la phase de négociation. Le montage peut-être un chef d’œuvre de virtuosité juridico-financière. Mais il manque souvent la vision d’ensemble nécessaire non seulement au bon achèvement de l’opération, mais également à sa gestion après l’acquisition. Or c’est dans cette « troisième mi-temps » que se situent réellement les enjeux. Paradoxalement, le coup de sifflet qui marque la fin de la transaction, le closing, marque surtout le début de la véritable aventure pour le repreneur et la société acquise.

Concrètement, les failles tiennent à ce qui fait la force de ces intervenants : leur spécialisation. Chaque intervalle de compétences entre deux lignes de métier peut conduire à de lacunes dans le montage et à de graves conséquences pour la vie de l’opération. Avec parfois les meilleures intentions du monde, les spécialistes réussiront même parfois à faire échouer l’opération avant même sa signature ! Citons tel conseiller financier qui a fait ressortir une évaluation très basse de la cible dans l’intérêt de son client … mais en oubliant que pour qu’une transaction puisse se réaliser, il faut qu’un acquéreur et un vendeur se mettent d’accord sur un prix. Citons tel avocat souhaitant tellement protéger son client que la transaction devra être abandonnée la veille de sa conclusion. A l’inverse, des techniciens renommés ont pu accompagner leur client sur une transaction parfaite à la date du closing. Il se trouve que l’entreprise a perdu rapidement toute sa substance au cours des années qui ont suivi. La cause est simple : à aucun moment les acquéreurs ou leurs conseillers ne se sont interrogés sur l’origine du succès de l’entreprise acquise, sur ce qui faisait réellement sa valeur. Un cas extrême ? Voire … Souvenons-nous de ces grands groupes français qui ont acquis chèrement des pépites aux Etats-Unis. Lesdites pépites ont fondu comme neige au soleil dès lors que l’actionnaire avait changé de nationalité.

Spécialisés dans la réalisation de montages, certains professionnels pourront perdre de vue l’importance parfois décisive de la gouvernance à mettre en place, la communication interne, le choix du niveau d’intégration optimal et la mise en œuvre de cette intégration. Il est rare que ceux qui réalisent l’opération en amont prennent le risque de se pencher sur l’aval. A leur décharge, une sorte de tabou pèse sur le sujet. Souvent chasse gardée des opérationnels auxquels échoit le paquet ficelé du montage. Pourtant, l’expérience de la post-acquisition et de l’intégration est, par définition, aussi rare ou que l’expérience de la réalisation des opérations. Il ne s’agit que très rarement d’une simple poursuite de la gestion au quotidien.

Si l’enjeu est de taille pour le repreneur, il l’est tout autant pour la société reprise. Certaines organisations développent de véritables comportements « cannibales » vis-à-vis de leurs propres acquisitions. Il peut s’en suivre une dissolution de l’acquisition avec perte d’emplois, de parts de marchés et de savoir-faire à la clé.

Ces points seront d’autant plus difficiles à déceler et à anticiper que le processus d’acquisition sera mené par des acteurs dont la connaissance de l’intérieur d’une entreprise est limitée. Comment déceler que ce qui devrait parfaitement fonctionner sur le papier risque irrémédiablement de se gripper pour des questions de cultures, d’hommes et de femmes, de motivation ou d’enjeux de pouvoir interne ? Comment anticiper que ce qui produisait d’excellent résultats dans un environnement donné peut virer du tout au tout en changeant l’environnement ? Une entreprise peut se comporter comme un être vivant déraciné d’un biotope pour être transplanté dans un autre.

Il devient essentiel d’entreprendre le chemin de l’acquisition en visant non pas la signature d’un parchemin mais ce qui doit arriver après ce jour. Depuis la sélection de la cible, jusqu’aux audits et diligences, puis au montage, l’ensemble du processus doit être piloté avec l’œil rive sur ce qui adviendra après la transaction.

On le voit, une acquisition ne se limite pas à un processus juridique et financier. Son succès repose sur des hommes qui sont loin de la table de négociation. Il requiert une alchimie complexe dans ce creuset très particulier qu’est une entreprise.

Pour maximiser le potentiel de réussite d’une acquisition ou d’un investissement direct, il faut un alchimiste qui allie bon sens terrien, solide expérience de l’entreprise, maîtrise des opérations financières et … une bonne dose d’humilité.

 

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