La démotivation au travail est-elle une fatalité ?

11 mars 2012

La démotivation au travail est-elle une fatalité ?

On dit souvent que le travail est le meilleur remède contre l’état d’abattement survenu à la suite d’un bouleversement émotionnel et affectif – un deuil, un divorce, une rupture sentimentale. Se jeter à corps perdu dans le travail – rien de tel pour faire cicatriser une douleur émotionnelle, pour noyer sa peine, pour faire oublier, voire pour s’oublier soi-même.Le problème, c’est que, efficace pour certains, ce remède s’avère parfaitement inopérant chez d’autres.

Si une catégorie de gens réussissent à se doter de ce qu’on peut appeler l’énergie du désespoir qui les stimule à continuer à travailler au même rythme et avec la même efficience qu’avant, d’autres vivent leur détresse d’une manière plus mélancolique, plus introvertie donc plus encline à l’abattement. Et là, c’est le contraire qui se produit : se transposant directement dans le domaine du travail de la personne, cet abattement menace de provoquer une profonde démotivation professionnelle.

Des problèmes très concrets s’ensuivent dont les plus inquiétants sont la baisse de la concentration, ralentissement du rythme du travail, désintéressement des résultats finals des efforts fournis, émoussement de l’esprit d’initiative, perte de la vision globale du projet sur lequel on travaille.

Mais avant de parler de rentabilité en baisse et de pertes pour l’entreprise comme préfèrent le faire certains auteurs allant jusqu’à vouloir chiffrer ces pertes, disons deux mots sur le drame humain qui se cache derrière le phénomène de la démotivation et qui appelle bien plus un accompagnement compréhensif qu’une condamnation et un licenciement immédiats.

La démotivation professionnelle, surtout celle qui est provoquée par une perte affective sur le plan personnel, est tout sauf un nihilisme conscient et intentionnel envers le travail. C’est un état spécifique imposé par des circonstances spécifiques. Un événement survenu sur le plan affectif peut amener le sujet psychique à projeter un autre regard sur les autres domaines de son existence, à s’interroger sur ses choix de vie, tels qu’ils étaient faits jusqu’alors. Le domaine professionnel se trouve souvent au centre de ces interrogations. A moins que, comme nous l’avions souligné plus haut, c’est justement dans son cadre professionnel qu’un salarié affecté par un deuil, un divorce ou une autre séparation, puisse trouver un échappatoire à ses soucis émotionnels – à moins que ce ne soit pas le cas, c’est le contraire qui se produit : le travail devient une source de lassitude, de profond ennui voire de dégoût.

Encore une fois – ce n’est pas du nihilisme irresponsable, c’est le fruit d’une grande détresse humaine. Ce qui se passe réellement, c’est qu’après une rupture affective, on « ouvre les yeux » sur des réalités jusqu’alors délibérément ignorées, on acquiert une lucidité qui permet de prendre conscience des petites médiocrités de la vie, d’échecs dont on a jusqu’alors amoindri l’importance.

Se focalisant sur ce qu’il voit comme, notamment, de la médiocrité, s’attachant à déplorer certaines réalités du quotidien professionnel qui est le plus souvent plutôt gris que rose, un salarié en état de désarroi affectif a tendance à exagérer les côtés négatifs de son travail. Mais il ne faut non plus voir tout cela dans une perspective d’échec personnel de la personne concernée ni d’interpréter ces déficiences comme une grande menace pour l’entreprise, nécessitant le licenciement immédiat du fautif en question. D’abord parce que, dans un premier cas de figure, la démotivation professionnelle provoquée par une crise dans la vie personnelle est souvent passagère et la personne concernée ne tarde pas à retrouver son équilibre psychologique et son ancienne efficacité dans le travail. Un développement différent mais tout aussi positif est possible même au cas où cette crise a un caractère plus profond : elle peut amener la personne qui la subit à réviser sa vie, à s’attacher à de nouvelles valeurs, à faire de nouveaux choix, y compris l’option de prendre une nouvelle orientation professionnelle et de changer d’activité. Dans tout cas de figure, un accompagnement professionnel mais aussi purement humain de la part des collègues sera très bénéfique pour la personne concernée.

Dans une PME, c’est le chef d’entreprise lui- même qui peut assumer cette tâche : ce serait aussi une occasion de « briser la glace » entre patron et subordonné et de préparer le terrain pour une collaboration ultérieure encore plus étroite, fructueuse et constructive entre ces protagonistes du processus du travail.

Dessy Damianova/Rédactrice chez Le Monde Economique

 

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