Les choix des femmes entrepreneurs

11 mars 2012

Les choix des femmes entrepreneurs

Depuis les conclusions quelque peu pessimistes d’une étude de l’IMD (International Institute for Management Development) de Lausanne en 2006, révélant que les femmes suisses étaient les moins ‘entreprenantes’ d’Europe, la situation semble avoir bien changé. En effet, la Confédération fait état, sur son portail PME, des récentes inscriptions de sociétés au registre de commerce : les nouvelles sociétés y ont atteint un taux record de 20 211, de janvier à juillet 2011. Pourtant, ces taux record risquent bien de ne pas être composés de plus d’un quart de femmes…

Où sont donc les femmes créatrices d’entreprise ? Elles existent bien, et représentent plus de 35% des entrepreneurs, mais elles échappent souvent aux statistiques par la nature même des activités qu’elles choisissent.

Ainsi, la plupart d’entre elles sont indépendantes sans créer de sociétés, ou mettent sur pied des petites entreprises au chiffre d’affaires inférieur à 100 000 francs et donc non inscrites au registre de commerce. Grâce au microcrédit qu’elles affectionnent particulièrement, elles parviennent à établir des micro-entreprises et à exercer une force majeure dans notre économie par leurs talents de gestion, de compétitivité et de création d’emplois locaux.

Les observateurs de la parité et de l’égalité hommes-femmes pourront donc voir avec plaisir que le progrès est bel et bien en marche… tout du moins, dans certains domaines. En effet, il est impressionnant de voir le nombre de créatrices d’entreprises qui se lancent dans le secteur des services (la majorité d’entre elles, à près de 62 %) et du commerce (environ 30%). En outre, ces dernières années, les talents que les femmes souhaitent développer par des services ou un commerce semblent également s’inscrire dans une sphère largement considérée comme traditionnellement féminine, voire ‘domestique’. La vente par internet de vêtements pour enfants, les plats cuisinés livrés à domicile, la création d’accessoires ou de bijoux, les écoles de devoirs… Toutes ces initiatives font partie des projets d’entreprises les plus répandus chez les femmes.

Cette tendance généralisée en Europe doit-elle vraiment être décriée par les féministes qui y verraient un signe du manque d’ambition des femmes – à l’heure actuelle, seules 13% d’entre elles sont entrepreneurs dans le domaine de l’ingénierie ou de la finance, par exemple – ou bien est-elle une autre expression de la vision féminine de la réussite professionnelle et humaine ? Il y a cinq ans déjà, à la publication de l’étude de l’IMD citée ci-dessus, les experts blâmaient une éducation secondaire et supérieure ‘sexualisée’ qui décourageait les femmes d’oser ‘viser plus haut’. Pourtant, les entreprises de services, de commerce ou d’artisanat semblent bien répondre aux envies et aux contraintes des femmes, qui s’y plaisent et remportent des succès non négligeables.

Des motivations différentes

Les projets d’entreprises des femmes ne sont pas vraiment basés sur les mêmes motivations que ceux des hommes, ce qui est probablement un facteur d’explication des choix que font les femmes en matière des secteurs où elles veulent opérer. Ainsi, si les hommes avouent souvent que leur but principal en créant leur entreprise est d’augmenter leurs revenus, les femmes citent d’abord le désir d’être indépendantes (59% d’entre elles), puis l’envie de se lancer dans un projet (36%), avant d’évoquer les gains financiers qu’elles pourraient en retirer (23%). L’argent n’est donc pas le moteur premier, et peut-être l’amusement, le défi et la satisfaction de la création sont-ils des angles beaucoup plus importants pour envisager leurs projets d’entreprises.

L’avantage du temps pour les mamans

L’exemple le plus éloquent des choix des femmes entrepreneurs peut sans doute se voir dans le phénomène croissant des « mompreneurs », ces mamans créatrices d’entreprises suite à leur pause-carrière pour s’occuper de leurs enfants. Le défi de concilier la vie de famille et le travail se voit ainsi résolu pour ces femmes de plus en plus nombreuses qui ont l’avantage de d’avoir du temps à consacrer à leurs projets et, en général, se lancent avec un projet lié à leur expérience de mère. Par exemple, des produits ou des vêtements qu’elles créent suite à leur envie d’améliorer leur quotidien et celui de leurs enfants. Nous revenons à l’image de Diane Keaton dans le film Baby Boom des années 1980, qui finit par créer un mini-empire de compotes pour bébés qu’elle a créés pour la petite nièce dont elle a dû s’occuper…

Signe des temps ?

Enfin, la propension des femmes à créer des entreprises de services ou de commerce fait peut-être aussi écho à l’ère de prudence économique dans laquelle nous vivons depuis la crise. Gagner sa vie par la couture, la cuisine, la peinture ou l’aide aux personnes, prend alors des airs de retour aux sources et de manière fiable, accessible, de vivre et de construire ses richesses sur une base tangible. Finalement, cela ne pourrait que nous rassurer et nous inspirer confiance en ces nouvelles dirigeantes d’entreprise !

Marie Gabriel – Rédactrice chez Le Monde Economique

 

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