L’industrie de l’énergie sera confrontée à une révolution. Par Sylvie Villa

26 février 2012

L’industrie de l’énergie sera confrontée à une révolution. Par Sylvie Villa

Je ne peux pas m’empêcher de partager avec vous ce qu’une collègue, professeure HES qui organise parfois des ateliers de créativité sur des thèmes controversés, m’a rapporté en termes de critiques virulentes contre le « monde des grands » par les étudiant-e-s; et c’était il y a 4 ans, bien avant Fukushima.

Elle en avait pris note, parce que la force, la pertinence et le ton étaient exceptionnels; elle n’a pas édulcoré le message, elle y a juste apporté l’indispensable touche de politiquement correct. Je vous laisse apprécier le souffle de cette chose :

„Il faut envoyer vos pépés atomiques à la retraite, ils ne connectent plus ce qui se passe. Ils n’ont même pas compris que demain l’industrie de l’énergie sera confrontée à une révolution du silicium. Dans le futur, l’énergie sera produite de façon aussi décentralisée et diversifiée, distribuée à un niveau micro, optimisée dans son utilisation, tel que cela s’est passé jadis avec le traitement de l’information. Vous vous souvenez ? Nous on ne le sait que de l’avoir lu, vous, vous l’avez vécu ! Alors pourquoi n’ouvrez-vous pas les yeux ?

Les ordinateurs piloteront de grands parcs de microcentrales, comme les server farms ont remplacé les superordinateurs. Et les ordinateurs vont gérer les diminutions de consommation d’énergie et cela du gros consommateur industriel jusque dans les ménages.

Pourquoi n’apprenez-vous rien de ce qui s’est passé à l’époque dans les grandes entreprises de l’IT (Techonologies de l’information) ? A l’époque leurs managers se sont défendus bec et ongles contre ce développement de décentralisation, jusqu’à ce que ce mouvement ait acquis la force d’un tsunami. Et celui-ci a débarrassé toutes les grandes entreprises de la branche……… woah, bien fait, quelle chance ! »

A l’époque, on aurait pu penser que ces étudiant-e-s étaient un peu idéalistes n’est-ce pas ? Mais écoutons ce que disait, peu de temps après cela, dans un congrès, un des consultants de la branche, qui conseille les gros opérateurs ; parmi ses clients aussi EDF, entreprise pronucléaire par excellence. Son opinion était presque identique à celle du groupe d’étudiant‑e‑s, mais il avait rajouté une thèse intéressante :

« Les pays émergents vont d’abord reproduire notre passé. Pour cela ils auront aussi besoin de centrales nucléaires et ils vont les faire. Nous, ici, nous devrions par contre nous concentrer sur la construction du futur. Et dans un tel contexte les vieilles casseroles nucléaires sont vraiment à côté de la plaque ! »

Avec les temps qui courent, cela se passe de commentaires. Mais en toute âme et conscience, lorsqu’il s’agit de faire face aux besoins d’énergie, dont les statistiques tendent à nous démontrer l’inéluctable croissance, osons-nous réellement croire à un potentiel substantiel des énergies renouvelables et aux économies d’énergie ?

Si on pose cette question aujourd’hui aux spécialistes dans leurs chaires, c’est souvent un silence gêné. Oui, on voudrait bien croire à un futur meilleur, plus sûr…, mais est-ce bien raisonnable lorsqu’on est spécialiste et qu’on a prêché un autre credo pendant des décennies ? Les jeunes ont parfois tendance à aborder les certitudes « scientifiques » avec nonchalance, voire avec une touche d’insolence. Mais après tout, ce sont ces jeunes qui construisent le futur.

J’ai partagé cette petite histoire avec vous, car je crois qu’une certaine témérité intellectuelle, une indépendance par rapport aux idées établies sont la matière première principale pour notre futur industriel et économique. Hélas, on ne la cultive ni de façon suffisamment intensive, ni suffisamment extensive.

Sylvie Villa collabore avec le magazine Le Monde Economique en qualité d’expert sur des thématiques liées au Smart Grid et à l’ingénierie.

 

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