Patrick Roger : voyage au cœur d’une passion

2 septembre 2012

Patrick Roger : voyage au cœur d’une passion

Rien ne prédestine le jeune Patrick à entrer en chocolaterie comme on le fait en religion. Au Poislay, son village natal de 80 âmes situé au fin fond du Perche, travailler dans le chocolat est utopique. En effet, dans cette région, à part les copains, il n’y a rien à faire, pas de cinéma, de château à visiter… sauf le championnat de moto-cross qui s’y déroule une fois par an et auquel il assiste, depuis le berceau, avec son père. Résultat ? Une passion immodérée pour les grosses cylindrées qui ne le quittera jamais. Pour autant Easy Rider, n’est pas d’actualité. A l’époque, la route indique plutôt la direction de l’apprentissage en pâtisserie après une quatrième catastrophique ou toute la classe à redoublé. Au vu des circonstances, l’adolescent n’a pas le choix quant à l’orientation, ce sera la pâtisserie en apprentissage. En attendant d’acheter la moto de ses rêves, il reçoit de ses parents une 125 cm3 pour effectuer son stage à Châteaudun.

La formation est rude et les patrons aussi. Trois jours par mois de repos, ont vite fait de le mettre dans le droit chemin. Le coup de pouce du destin se manifeste deux ans plus tard. Pierre Mauduit, célèbre pâtissier-traiteur, également originaire du Perche, embauche les deux meilleurs apprentis de chaque région. Ce sera lui. Chez Pierre Mauduit, Patrick Roger est mis d’office à la pâtisserie. Mais le jeune homme dont l’esprit rebelle a repris le dessus, ne s’imagine pas fabriquer des religieuses et des éclairs à longueur de journée. Et cela se voit. Pour le punir de son manque de motivation, direction la chocolaterie.

Dès le premier contact avec le chocolat, c’est la révélation. Véritable coup de foudre pour la matière qui incite à se dépasser. De cette fusion entre la matière et Patrick, naissent des gestes précis et justes. A ce moment, on lui confie des tâches minutieuses les plus importantes et des pièces artistiques comme le décor de scène, façon ancienne usine à l’abandon pour Serge Gainsbourg, la raquette géante de Noah cassée en trois secondes pour être dévorée et les puzzles en chocolat destinés à Jean-Paul Gaultier.

Tout est remis en cause avec le service national qu’il effectue dans un camp semi-disciplinaire. Pour ne rien perdre de cette année, Patrick profite de ses permissions et de retour chez ses parents, tire le meilleur en apprenant encore et encore : reproduire les gestes pour ne rien oublier, pour s’améliorer, pour s’exprimer. Pendant dix ans, Patrick Roger va tout faire pour garder la tête hors de l’eau. Son but ? Trouver un poste de chocolatier mais la micro-niche n’offre que peu de débouchés.

Ce sera La Chocolaterie de Monaco à raison de 400 heures par mois puis direction la Suisse près de Lausanne. Glacier le jour, serveur dans un restaurant gastronomique le soir tout en préparant des chocolats pour la boulangerie de ses parents. Ce sont officiellement ses premières créations. Fabriquées en Suisse, vendues au Poislay. Retour dans le Loir-et-Cher et inscription au Concours National de Romorantin, catégorie chocolat. Il se prépare tout seul, personne ne le connaît, il finit 4e et se voit confier pour une saison un poste de chocolatier chez Ménard à Tours. Il entre enfin dans la cour des grands et tente de nouveau le concours de Romorantin. Il décroche la première place et se retrouve qualifié pour le Grand Prix International du Chocolat qu’il remporte grâce à l’Amazone, une demie sphère dans les tons vert au chocolat croquant, un savant mélange de citron vert du Brésil et de caramel. Il ira de poste en poste en attendant d’atteindre l’inaccessible étoile professionnelle.

Il décide de s’installer et au hasard d’une rencontre avec le fils du notaire d’Antony -avec lequel il est sur les bancs de l’école pour préparer son BTS de gestion-, il déniche une boutique-atelier à Sceaux en 1997. Dès les premiers jours ses chocolats font recette. Trois mois plus tard, dix-huit personnes travaillent à ses côtés. C’est Noël, les clients sont déjà accros aux petits rochers pralinés nommés « Instinct » et patientent pour se faire servir tout en admirant les œuvres chocolatées de l’artiste exposées dans les vitrines. De véritables œuvres d’art mêlant sculpture et architecture, sorties de l’imagination, du cœur et des mains du « cancre » du Poislay. En 2000, il remporte le titre de Meilleur Ouvrier de France Chocolatier.

Patrick Roger défend le goût, la finesse des goûts, l’association des textures et l’esthétique de ses créations. Il ne réalise aucune concession quant à la provenance des ingrédients qu’il utilise dans sa cuisine. Sa recherche de perfection donne naissance à des chocolats intenses et extravagants, aux parfums enivrants. Son esprit aventurier, la caresse d’un souvenir, le raffinement d’une saveur, l’extase d’une sensation, la vie telle qu’elle le touche, sont autant de sources d’inspiration pour ses créations, dont les noms évoquent l’exotisme du voyage, la violence des éléments, et les sentiments qui agitent l’âme humaine.

 

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