Privilégier des agroplastiques biodégradables

16 février 2012

Privilégier des agroplastiques biodégradables

De nos jours, le plastique est omniprésent et indispensable au quotidien. Sa production mondiale a été de 265 millions de tonnes en 2011 et augmente significativement chaque année selon la fédération des producteurs de plastique PlasticsEurope.

En parallèle, le public commence à être sensibilisé aux fameux et gigantesques « continents de déchets » flottants qui se forment dans les océans atlantique et pacifique à partir de produits et d’emballages plastiques provoquant une catastrophe sanitaire pour la faune marine. Le problème vient surtout de son utilisation éphémère et de sa transformation rapide en déchet, en particulier dans le domaine de l’emballage qui constitue à lui seul 40 % des matières plastiques consommées en Europe avec des durées de vie très courtes.

D’un autre côté, la production de plastique consomme en moyenne 4 à 8 % de la production mondiale de pétrole et la substitution des plastiques classiques issus de la pétrochimie par des agroplastiques biodégradables, qui peut être perçue aujourd’hui et pour quelques années encore comme une action écologique en faveur de la planète, deviendra bientôt une nécessité face au tarissement des puits de pétrole. Le prix de ces agroplastiques, actuellement supérieur à ceux issus de la pétrochimie, va devenir compétitif avec l’augmentation du prix des hydrocarbures à terme.

Si on s’intéresse au cas particulier des sacs plastiques, le marché des agroplastiques biodégradables est d’ailleurs déjà en plein essor, comme le montre l’exemple local de l’entreprise glandoise BioApply qui produit divers produits à partir de ces matériaux et enregistre déjà des millions de ventes et une forte croissance soutenue par la prise de conscience populaire et politique.

L’Italie, premier consommateur européen de sacs plastique avec un quart des 100 milliards de sacs plastique utilisé en Europe selon l’AFP, a par exemple interdit les sacs en plastique non biodégradable depuis début 2011. Aux États-Unis, certains états et villes suivent ce mouvement en taxant ou interdisant l’utilisation de ce type de sacs.

En 2011 toujours, une commission européenne a conclu que 70 % des citoyens européens sont en faveur d’une interdiction de la distribution de sacs en plastique jetables à usage unique. Le temps est donc venu de produire des plastiques dans une optique de développement durable et de mettre en place les instruments juridiques ou incitatifs nécessaires à leur démocratisation.

Ces agroplastiques sont produits à partir de matières premières végétales (céréales, sucre, amidon de maïs ou de pomme de terre) avec une petite proportion d’additifs plastifiants souvent dérivés de pétrole, mais il faut savoir que tous les plastiques biodégradables ne sont pas forcément fabriqués à partir de matières végétales et inversement.

Comme pour les biocarburants, le problème de la concurrence pour l’usage des ressources se pose. Car s’ils sont produits à partir des parties nobles de la plante ou de sous produits comme la paille, ils entrent en compétition avec l’alimentation humaine et animale. Mais comme pour les biocarburants, la recherche apporte des solutions avec de nouvelles générations de procédés de fabrication permettant d’utiliser les déchets agricoles, les déchets alimentaires, les déchets de bois ou encore les algues comme ressource. Ces nouvelles méthodes ne seront toutefois pas disponibles avant une dizaine d’années, car de nombreux développements technologiques sont encore nécessaires, mais elles permettront de s’affranchir des questions de concurrence pour l’usage des matières premières.

Concernant leur élimination, le réel bilan écologique de ces plastiques biodégradables dépend fortement du processus utilisé, car ils se dégradent en fait assez mal dans la nature sans compostage efficace, et le label biodégradable ne doit pas être pris comme excuse pour les disséminer dans la nature après usage. Dans de bonnes conditions de compostage (chaud et aéré) typiquement industrielles, ces plastiques peuvent se dégrader complètement en quelques mois avec un bilan CO2 relativement neutre et être ensuite valorisés en humus. Si le compost est mal aéré, par contre, un volume assez important de gaz à effet de serre (le méthane) peut être émis, ce qui rendrait le bilan CO2 défavorable. Mais ce méthane pourrait lui aussi être récupéré et valorisé industriellement.

Bien que possédants des propriétés et donc des applications similaires au polyéthylène téréphtalate (PET) bien connu et issu du pétrole, le recyclage de la plupart des agroplastiques tels que ceux à base d’acide polylactique (PLA) est généralement incompatible avec celui du PET. Ils ne doivent donc pas être mélangés pendant leur récupération sous peine détériorer les processus de recyclage classiques. Un important travail de communication et d’éducation devra dès lors aussi être entrepris auprès des consommateurs.

Dans un dernier cas de figure, si les objets en plastiques biodégradables sont simplement recyclés thermiquement (c’est à dire brulé pour produire de l’énergie), le bilan ne sera pas meilleur que celui d’un plastique classique. Dans ces conditions, et comme pour les plastiques classiques qui mettent jusqu’à 400 ans avant d’être décomposés, l’utilisation des agroplastiques pour des produits à usage unique (sacs, gobelets, bouteilles, etc.) devrait être évitée partout où la mise en place de produits réutilisables serait possible.

À l’avenir, la recherche et le développement autour de ces agroplastiques va devoir étendre la palette déjà existante de propriétés mécaniques et de procédés de mise en œuvre afin d’élargir leurs champs d’application à une bonne partie de tout ce qui est actuellement produit avec des plastiques dérivés du pétrole. Ceci afin d’assurer la pérennité de ce matériau devenu indispensable à l’espèce humaine, mais dans une perspective plus durable et écologique.

Basile Golaz collabore avec Le Monde Economique en qualité d’expert sur des thématiques liées à l’ingénierie et au Cleantech.

 

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