Réseaux sociaux : pas une zone de non droit !

13 janvier 2016

Réseaux sociaux : pas une zone de non droit !

La tendance actuelle des employeurs est d’inciter leurs employés à utiliser davantage les réseaux sociaux, formidables leviers de développement commercial et de communication pour l’entreprise. Ainsi, des employés font quotidiennement usage de cette « liberté d’expression » – tant dans un contexte professionnel que privé, mais en relation avec leur emploi – notamment sur Facebook, Twitter, MySpace, Youtube, Google+, les forums, les blogs etc. Or, certains d’entre eux s’en servent notamment pour dénigrer leur entreprise, communiquer une opinion personnelle au nom de cette dernière et/ou divulguer des informations confidentielles. Dans quelle mesure l’employeur peut-il prendre des sanctions à l’encontre de l’employé ? Quels sont les moyens juridiques de prévention à disposition de l’employeur ?

Les limites de la liberté d’expression

Le Tribunal fédéral n’a, à ce jour, pas clairement tranché la question de savoir si les réseaux sociaux relèvent de la sphère privée ou publique. La tendance considère toutefois que Twitter s’inscrit dans la sphère publique, puisque chaque message est, par défaut, visible par l’ensemble des internautes. Il en est de même pour Facebook, car le commentaire ou la photo, même publié pour une audience restreinte, peut circuler, et être vu par des personnes qui n’ont normalement pas accès au profil de l’employé.

Dans ce cadre, il convient de rappeler que la liberté d’expression est limitée par certaines obligations découlant du rapport de travail, lesquelles incombent à l’employé à l’égard de son employeur. En premier lieu, l’employé a un devoir de diligence et de fidélité (art. 321a, alinéa 1 CO). Ainsi, l’employé doit exécuter avec soin le travail qui lui est confié et sauvegarder fidèlement les intérêts légitimes de l’employeur. Ce dernier est donc en droit d’exiger un comportement loyal et fidèle de la part de l’employé, non seulement dans le cadre limité de l’activité explicitement convenue, mais aussi, le cas échéant, en rapport avec l’entreprise au sens large du terme.

L’employé a dès lors tant l’interdiction de dénigrer l’entreprise en portant atteinte à son image, que, notamment, de la critiquer.

Par ailleurs, le phénomène relativement récent du « whisteblowing » auquel ont recours certains employés, viole leur obligation de fidélité. Cette pratique consiste à dénoncer publiquement (par exemple en s’adressant à des journalistes ou en s’exprimant sur internet) des inconvénients présumés ou des irrégularités effectives au sein de l’entreprise.

De surcroît, l’employé a l’interdiction de révéler à des tiers des faits destinés à rester confidentiels (art. 321a al. 4 CO). Ainsi, l’employé viole ladite disposition s’il divulgue sur un réseau social notamment, un secret de fabrication ou d’affaire, une liste de clients ou de futurs produits non encore commercialisés.

Enfin, injurier son employeur sur un réseau social peut être constitutif d’une atteinte à l’honneur, selon les articles 173ss du code pénal et donner lieu à une condamnation pénale.

Les sanctions auxquelles s’expose l’employé

La violation aux obligations contractuelles susvisées peut donner lieu à un avertissement, voire à un licenciement immédiat en fonction de la gravité du cas d’espèce (art. 337 al. 1 CO). En effet, si le rapport de confiance entre l’employeur et l’employé est si profondément atteint qu’il ne permet plus d’envisager une poursuite des rapports de travail, l’employeur pourra prononcer son licenciement immédiat. La mesure prise par l’employeur dépendra alors du type de propos, de son contexte et de sa diffusion. A cela s’ajoutent également d’éventuelles sanctions pénales, dont il a été brièvement question ci-dessus.

Les moyens de prévention juridiques à disposition de l’employeur

Des multinationales ont émis des « social media guidelines » et « code of ethics and business conduct » afin de réglementer l’utilisation des réseaux sociaux par les employés.

Afin d’éviter tout litige, il est fortement recommandé à l’employeur de rédiger un « Code de bonne utilisation des réseaux sociaux », ou d’insérer une clause contractuelle dans le contrat de travail qui décrira l’utilisation adéquate des réseaux sociaux par les employés. Ladite clause devra être rédigée en fonction de la culture d’entreprise et du domaine d’exercice de cette dernière.

En conclusion

Constituant la première activité sur le web, les médias sociaux sont incontestablement devenus d’importants vecteurs d’expression, de partage et d’échange. Les entreprises l’ont compris, puisqu’elles s’en sont emparées afin de développer leur notoriété. Cependant, l’employé qui en fait un usage contraire aux intérêts de son employeur s’expose à de lourdes sanctions, tant civiles que pénales. Afin de prévenir ce type de comportements néfastes, il est recommandé à l’employeur de réglementer l’utilisation des réseaux sociaux par les employés. Une telle réglementation/clause contractuelle permettra d’éviter que certains propos inappropriés ne portent atteinte à la crédibilité de l’employeur et ne ternisse l’image de l’entreprise, laquelle est, de nos jours, particulièrement exposée sur la toile.

Philippe Eigenheer

Me Marine De Geofroy

 

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