Interview de Hervé DESSIMOZ, PDG du cabinet d’architectes Groupe H

15 mai 2013

Interview de Hervé DESSIMOZ, PDG du cabinet d’architectes Groupe H

Le Monde Economique Rendu célèbre grâce à des constructions telles que la Tour Winterthur à Paris-la-Défense, la ville de Spoutnik City à Kiev ou le Refuge du Goûter à 3835 m d’altitude, le Groupe H vient de recevoir le prix de l’économie 2012. Pour un bureau d’étude, un tel prix n’est-il pas surprenant ? Que consacre-t-il, votre innovation ou votre savoir faire ?

Hervé DESSIMOZ Recevoir le prix de l’économie 2012 est une surprise mais une bonne surprise.Dans cette édition 2012, le jury a souhaité se démarquer des éditions précédentes en cherchant une PME ayant contribué à la promotion du label Genève. Voilà plus de 20 ans, le GROUPE H, sous l’impulsion du soussigné, a franchi la frontière. En créant un GROUPE H France, il devenait européen et avait accès à l’ensemble du marché de la communauté européenne. C’est ainsi qu’il a ouvert une succursale à Milan en 1992 déjà. Le GROUPE H est une société familiale et a choisi de croître en autofinancement.

Pour gagner des marchés dans les pays européens, il fallait présenter un profil de savoir-faire différent de la concurrence. Cette différence peut être qualifiée de « Swiss Made ». En effet il y a plus de 20 ans déjà, le GROUPE H pratiquait en Suisse une politique de qualité de conception, de qualité de construction, de respect des budgets, de respect des délais et d’offre de concepts énergétiques innovants. Avec une construction emblématique comme la Tour Winterthur à Paris La Défense, le GROUPE H a pu faire valoir une différence profitable aux clients et assoir sa présence dans le marché.

Par la suite le GROUPE H a dessiné le Palais de l’Equilibre, une sphère en bois de 27 mètres de haut et 40 mètres de diamètre, pour l’Exposition Nationale Suisse 2002 et dont la vocation était de sensibiliser les visiteurs aux préceptes du développement durable. Depuis, il a inscrit dans sa charte qualité, la promotion des constructions durables comme action prioritaire. Dès lors les projets se sont enchaînés par la construction du plus grand hôtel de Suisse, l’ex Crowne Plaza aujourd’hui Starling Hôtel à Genève, 500 chambres avec centre de congrès de 1000 places, le dessin d’une ville de 6’000 habitants appelée Spoutnik City près de Kiev en Ukraine, la construction du Shopping Center Piter Raduga d’une superficie de 85’000 m2 à St-Petersbourg en Russie. C’est à l’appui de ces références que le Club Alpin Français a décidé de confier au GROUPE H la mission de conception et de réalisation du Refuge du Goûter sur la voie du Mont-Blanc à près de 4’000 mètres d’altitude, un refuge d’une capacité d’accueil de 120 places bénéficiant du label HQE (Haute Qualité Environnementale) et énergétiquement autonome grâce à l’utilisation intensive de l’énergie solaire.

En cela le Prix de l’Economie 2012 consacre le savoir-faire du GROUPE H et sa capacité d’innovation car la résultante de la construction du Goûter est de déclarer désormais « s’il est possible de faire un bâtiment énergétiquement autonome à 4’000 mètres, il n’y a pas de raison de ne pas le faire dans les plaines ou dans la ville ».

Le Monde Economique La crise financière mondiale a contribué à l’augmentation des prix de l’immobilier en Suisse et installé un climat d’incertitude. Est-ce que l’exiguïté du territoire condamne ses habitants à payer des loyers élevés?

Hervé DESSIMOZ Certes, la venue de nouveaux résidents fortunés en Suisse contribue à contracter le marché de l’immobilier et à générer une augmentation des prix de location ou d’achat. Dans ce chapitre, l’augmentation des prix ou des coûts ne découle pas de l’acte de bâtir mais bien d’une demande trop forte de logements notamment. Par contre, il faut relever que le coût de la construction en Suisse est plus élevé qu’à l’étranger en raison des exigences qualitatives ou environnementales.

Le Monde Economique Un durcissement des exigences de fonds propres en matière de prêts hypothécaires, ainsi qu’une révision de l’autoréglementation dans le domaine hypothécaire ont été annoncés par le Conseil fédéral. Ces deux mesures devraient-elles modérer la croissance des prix de l’immobilier ?

Hervé DESSIMOZ Certainement ! Si nous voulons éviter une bulle spéculative telle que nous l’avions vécue dans les années 80 à Genève ou plus récemment celle qu’on vécue les américains en 2008, il faut des propriétaires sains. Dans le domaine de la construction ce postulat se traduit par la quantité de fonds propres investis dans l’objet immobilier acheté. Je plaide pour un ratio minimum de fonds propres situé entre 20 et 30% dans le logement et de 40 à 50% dans les opérations commerciales.

Le Monde Economique Aujourd’hui, chaque architecte est convaincu de l’impérieuse nécessité d’adopter une démarche de développement durable dans sa vie de citoyen comme dans son exercice professionnel. L’acte architectural peut-il encore faire l’économie d’une réflexion concernant la dimension durable ?

Hervé DESSIMOZ Je ne pense pas que chaque architecte soit convaincu de l’impérieuse nécessité d’adopter une démarche de développement durable. Preuve en est les constructions les plus prestigieuses qui sont souvent soit des tours, très peu performantes en termes de rapport de surfaces habitables par rapport aux surfaces de services, très voraces en énergie… ou alors des constructions dans lesquelles la complexité des détails, la multiplicité des matériaux onéreux… frise l’hédonisme.

Quant à moi, je suis convaincu que l’architecture doit intégrer dans tous les niveaux du processus qu’il s’agisse de la conception, du choix des matériaux, de la gestion du chantier, de la gestion de l’immeuble ou encore de sa déconstruction une forte dimension durable. La vraie question est de savoir si l’architecte est un citoyen engagé dans l’action de sauvegarde de notre planète. Pour ce qui nous concerne, ma réponse est clairement oui !

Le Monde Economique D’ici 2025, la population mondiale passera de 6 à 8 milliards. En conséquence, 2 milliards d’individus supplémentaires auront besoin de maisons, de magasins et de lieux de travail. Si ce scenario se concrétise, quels défis pour le secteur de la construction?

Hervé DESSIMOZ Le scénario d’une augmentation de 2 milliards d’individus d’ici à 2025 voire 2030 est probable. Face à cette problématique, les défis sont les suivants :

– Utilisation adéquate des matières premières, pays par pays. Pour la Suisse dont la seule matière première pour la construction est le bois, il faudra construire en bois. Sur le sujet j’aime à répéter que le Palais de l’Equilibre a consommé 2’000m3 de bois alors que la forêt suisse produit environ 700m3 de bois par heure. Ce qui signifie que chaque 3 heures il pousse un Palais de l’Equilibre en Suisse.

– Construire plus vite : cela signifie des procédures administratives simplifiées et la mise en place d’un système de préfabrication modulaire, intelligent et respectueux de l’environnement.

– Une bonne utilisation du territoire : cela signifie trouver un bon compromis entre une plus grande densité, une plus grande hauteur des bâtiments mais une hauteur adéquate pour ne pas gérer des surcoûts de construction ou d’exploitation.

– Des concepts énergétiques novateurs qui devraient, à termes, permettre aux bâtiments d’être a
utosuffisants. Dans ce domaine, la décision de la Suisse de sortir du nucléaire constitue une impulsion bienvenue et extrêmement stimulante.

 

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