Interview de Pascal Buyck, CEO d’Audyva

21 mai 2012

Interview de Pascal Buyck, CEO d’Audyva

Le Monde Economique La conduite du changement n’est pas un exercice linéaire qu’il suffit de planifier adéquatement pour que toutes les étapes se déroulent harmonieusement. Il est possible de rencontrer des résistances. Dans ce cas, comment faire par exemple avec les salariés qui ne changent jamais ?

Pascal Buyck La réponse à cette question est tout aussi simple que compliquée ! D’un côté il y a la réponse simpliste qui suit le dicton : « on ne peut faire boire un âne qui n’a pas soif » et on lâche prise face à ces personnes, d’un autre, il apparaît parfois dommageable que certains ne suivent pas le changement car ils risquent de quitter l’organisation et de faire perdre des compétences clés nécessaires à son développement économique !

Les DRH et dirigeants en général savent que tout groupe est constitué de 3 populations ceux que l’on appelle communément : « les stars, les moyens et les boulets ». Face à cette réalité systémique, il reste au chef soit d’ignorer ceux qui manifestent une apparente résistance, soit de s’énerver et d’user son pouvoir.

Lors de nos programmes en Appreciative Inquiry, nous accueillons toujours des groupes différents et parfois l’hétérogénéité est si forte qu’elle en est palpable dans la tenue et les propos de certains participants. Au début les réfractaires se regroupent et sont dans le déni. Au fil du temps, ils se sentent naturellement marginalisés car la majorité du groupe participe et ils voient que tout ce qui est dit est respecté, valorisé. Commence alors leur participation. En 4 ans de pratique dans des environnements les plus divers, nous avons toujours assisté à cette évolution des comportements. Il est donc possible de voir des personnes changer. En fait les auteurs de cette méthode vont au-delà du mot changer, ils disent – et je le crois – que ces programmes peuvent « transformer » les gens.

Le Monde Economique L’une des formes de démotivation remarquées en entreprise est l’absentéisme. Face à ce phénomène, les mesures les plus utilisées par les DRH sont paradoxalement celles qu’eux-mêmes jugent peu efficaces. Comment peut-on réduire l’absentéisme?

Pascal Buyck Le personnel a connu différentes modes cherchant à les valoriser. Pour les plus anciens, nous avons connus les « Boites à idées » les « Cercles de qualité », les « brainstormings », les « Team Building », plus récemment l’entretien individuel de retour de l’absent avec son chef direct. Le principal manque de toutes ces méthodes est l’absence de rythme Top-Down puis Bottom-Up puis Top Down, etc.

Nous partons d’un autre angle. Pourquoi se focaliser sur l’absentéisme alors que la majorité des personnes viennent et sont à l’heure. Avec l’Appreciative Inquiry, nous ne cherchons pas à « résoudre des problèmes », nous recherchons d’abord par là où l’énergie positive circule. Nous avons une fois fait face à un client qui voulait notre aide afin de faire passer l’absentéisme de 30% à 12%. Après 2 heures de discussions sur la formulation de l’objectif, nous avons décidé de faire travailler tout le service sur sa mission, sa vision et ses valeurs. Dès la fin du premier mois après le programme, le taux avait atteint 6% – ce qui correspond à un taux incompressible !

Chercher à aborder une problématique à partir d’un autre angle et conduire des entretiens réciproques sur la base de questions positives nous apparaît être une des meilleures solutions pour développer la motivation et par voie de conséquence réduire l’absentéisme.

Le Monde Economique À l’époque, les gens portaient un regard confiant sur l’avenir. Aujourd’hui, ils se sentent mal dans leur peau et stressés. Est-il juste de dire que les entreprises sont malheureuses ?

Pascal Buyck Aujourd’hui nous assistons en direct à presque tout sur n’importe quel coin de la planète, alors il est certain que nous pouvons très aisément trouver des motifs d’être heureux ou malheureux. Dans l’Appreciative Inquiry, nous cherchons par un processus rigoureux à développer une vision positive de la vie en nous appuyant sur des faits et du vécu partagé. A ce propos, il y a une règle d’or : Des mots positifs génèrent des images positives qui génèrent des pensées positives qui génèrent des émotions positives et enfin qui génèrent des actions positives communes.

Le processus pour atteindre ce résultat s’appuie sur 5 phases. La première phase (Définir) est la préparation avec la direction et le groupe pilote. Les 4 phases suivantes se passent en collectif, toute la population concernée par le changement est réunie pendant 2 à 3 jours au vert.

La démarche passe par la découverte de ce qui fonctionne, de tout ce qui a bien marché puis s’oriente vers le « rêve » où chacun pourra exprimer sa vision idéale de l’avenir. Nous développons ainsi chez chaque collaborateur un esprit neuf, un regard confiant sur l’avenir pour reprendre vos propos.

En conclusion, il ne suffit pas de se parler de ses succès passés et de ses rêves d’un monde meilleur. C’est pourquoi il y a 2 autres phases où des propositions concrètes sont faites par l’ensemble des participants, celles-ci sont immédiatement validées par la direction qui va donner son feu vert (ou rouge) à chacune d’elles en apportant chaque fois une explication. Puis vient le moment où chacun(e) s’engage dans un processus de changement où le changement majeur de l’organisation est totalement intégré car amendé de nombreuses demandent satisfaites de part et d’autres en lien avec la transformation voulue par la direction.

Ainsi, les collaborateurs qui semblaient résister deviennent partie prenante du changement organisationnel et une nouvelle culture peut émerger, c’est la nouvelle mathématique d’entreprise qui veut que 1+1=3.

Interview réalisée par Thierry Dime

 

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