Interview du Dr Yann Tissot: « Plus les écrans deviennent fins, plus il faut des LEDs fines pour les rétroéclairer »

9 juin 2022

Interview du Dr Yann Tissot: « Plus les écrans deviennent fins, plus il faut des LEDs fines pour les rétroéclairer »

Photo © L.E.S.S

Dr. Yann Tissot, CEO de L.E.S.S. SA

Par Eugénie Rousak

Pépite née dans les murs de l’EPFL en 2012, L.E.S.S. (Light Efficient SystemS) est un spécialiste de la lumière, qui a pu assoir sa notoriété dans le secteur des PME industrielles à forte croissance. Avec une quarantaine de collaborateurs et une présence internationale, l’entreprise développe les nombreuses applications de la fibre optique nano-active, technologie plus performante et pointue que les LEDs, pour les systèmes d’éclairage automobile et d’inspection. L.E.S.S. accompagne ainsi les grands noms des industries automobile, horlogère et pharmaceutique sur des roadmaps de 10 à 15 ans. Échange avec le fondateur et CEO, Dr. Yann Tissot.

Monde Économique : Comment l’idée de créer une entreprise spécialisée sur les possibilités de la fibre optique nano-active est-elle venue ?

Yann Tissot : Mes recherches pour ma thèse de doctorat, terminée en 2007, sur la photosensibilité des verres et les technologies photoniques étaient focalisées sur des applications en télécommunications. Par la suite, j’ai débuté ma carrière professionnelle dans l’industrie du spatial et l’optique technique, et dans ces deux expériences, je rencontrais régulièrement des clients qui avaient des problématiques d’uniformité, d’efficacité et d’intégration d’éclairage.

Progressivement, j’ai fait un lien entre ces difficultés et l’objet de ma thèse et pris la décision d’arrêter ma carrière pour postuler à une bourse d’innovation dans mon ancien laboratoire à l’EPFL. Ainsi, j’ai pu pousser plus loin mes recherches et travailler sur une application de génération de lumière très concrète qui a pu répondre à une problématique client de qualité d’éclairage.

Monde Économique : Quels sont les avantages de la technologie de la fibre optique nano-active par rapport aux très connues LEDs ?

Yann Tissot : Pour le rétroéclairage d’écran par exemple, il faut une lumière extrêmement pointue. Plus les écrans deviennent fins, plus il faut des LEDs fines pour les rétroéclairer. Mais plus elles sont fines, moins elles sont intenses, ce qui va à l’inverse de la demande d’intensité extrême des écrans à haute résolution. C’est un cercle vicieux. Un autre exemple sont les applications des contrôles qualité, qui ont une grande problématique d’uniformité d’éclairage.

En utilisant les LEDs pour cette activité, il est nécessaire de les agrémenter d’éléments additionnels comme des diffuseurs, qui fournissent une uniformité limitée et une baisse d’intensité. Malheureusement, ces caractéristiques ne permettent pas une inspection suffisamment efficace et rapide. La fibre optique nano-active est une solution innovante et efficace à ces deux problématiques.

Monde Économique : L.E.S.S. se développe surtout sur l’éclairage d’inspection et l’éclairage automobile. Quelles sont les différences dans les utilisations de la lumière dans ces deux verticales ?

Yann Tissot : L’éclairage d’inspection est utilisé principalement pour le contrôle qualité. Pour inspecter une pièce transparente, réfléchissante ou qui comporte une multitude de couleurs, il faut une qualité d’éclairage qui garantit la détection d’un défaut du composant et non d’une faille de la lumière. Dans ce domaine, il est donc question d’une qualité irréprochable du point de vue de l’uniformité aussi bien pour l’éclairage diffus que directionnel. Pour notre second marché, l’automobile, la problématique est autre : il faut un maximum d’intensité dans un minimum d’espace avec un minimum de poids, de consommation et de prix et le tout avec une grande directionnalité pour remplir les certifications techniques d’un phare automobile, tout en étant en accord avec les réglementations environnementales.

Dans ces deux marchés, nous nous positionnons en deuxième position dans les chaînes de valeur, ce qui signifie que nous livrons des modules d’illumination à des acteurs comme des fabricants de microscope, ainsi que des modules d’éclairage à des équipementiers qui, eux, vont ensuite fournir au client final. Le challenge est donc de convaincre toute la chaîne de valeur, aussi bien les clients intermédiaires que l’utilisateur final, véritable décideur de l’adoption du produit.

Monde Économique : Est-ce que vous avez des plans d’expansion dans d’autres industries ?

Nous avons la chance de travailler avec de la lumière, ce qui globalement représente un marché gigantesque, mais extrêmement fragmenté. Notre force est de bénéficier d’une plateforme technologique qui présente des avantages techniques différents suivant l’application et qui s’adapte facilement à diverses demandes de clients issus d’industries différentes. Par exemple, actuellement nous avons des demandes du secteur médical car notre lumière ne chauffe pas et par conséquent peut s’adapter à des systèmes médicaux sensibles. Une autre industrie, serait peut-être moins intéressée par l’absence d’échauffement, mais aurait besoin d’une colorimétrie extrêmement fine, ce que nous offrons également. L’industrie automobile travaille intensément sur les éclairages de signalisation pour les voitures autonomes, qui utiliseront différents codes couleurs pour indiquer à la personne extérieure si l’engin est en mode électrique, thermique ou autonome. Nous proposons également des réponses innovantes à ces demandes. Et même au-delà des utilisations techniques de la lumière, il y a également des tendances culturelles auxquelles nous pouvons rapidement répondre. Par exemple, le marché européen ou le marché américain demandent une reproduction du blanc chaud, alors que le marché asiatique préfère un blanc très froid. Les deux sont possibles !

Monde Économique : L.E.S.S a été fondé il y a 10 ans, comment votre technologie a-t-elle évolué ?

Yann Tissot : Notre technologie a énormément gagné en maturité, ce qui a permis à notre PME d’intégrer de larges marchés aussi bien du point de vue de la qualité, que du point de vue du volume, comme l’industrie automobile. Nous avons également mis beaucoup d’efforts pour accompagner les acteurs dans l’adoption de notre nouvelle technologie. Aujourd’hui, pour nos clients, le facteur risque/bénéfice est à notre avantage car ils ont tout simplement pu la tester sur le moyen terme et remarquer ses qualités.

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