LE BLUES DES TOYS A LA VEILLE DE NOEL

8 décembre 2019

LE BLUES DES TOYS A LA VEILLE DE NOEL

Par Dessy Damianova

Nous sommes de nouveau à la veille de cette trêve enchantée que représentent chaque fois les fêtes de fin d’année. De nouveau, on se sent comme transporté dans une autre dimension ; de nouveau, tout n’est que brillance, splendeur, et lumière. On aura pourtant tort de croire que cette lumière vient seulement de l’« intérieur » ou de ce symbolisme divin inhérent à Noël qui fait de lui une fête unique, inaltérable et « indémodable » (pour nous servir de la formule d’une publicité actuellement bien en vue). Les fastes de fin d’année ont aussi leur côté très « terre à terre » : elles marquent l’apogée de l’année commerciale et l’apothéose de tout ce que nos sociétés de consommation en masse peuvent encore offrir comme produits, attractions, plaisances. 

La concurrence des marques et des enseignes pour une place au pied du sapin de Noël devient des plus acharnées. Elle est particulièrement forte chez les marques de jeux et de jouets. La tradition voulant que Noël soit la fête surtout des jeunes, une véritable « lutte finale » se livre entre les diverses enseignes. Depuis l’avènement du numérique, cette lutte devient chaque année plus acharnée encore. Même la traditionnelle rivalité entre Lego et Playmobil pour une place plus vaste au pied de l’arbre s’efface devant la grande confrontation entre le digital et le jouet classique.   

Chute des ventes globales dans le secteur

C’est que les habitudes des enfants ont largement changé : la demande du numérique (smartphones, jeux électroniques) prime sur tout le reste. De quoi faire basculer le secteur des jouets d’une position plutôt privilégiée à la situation triste et incertaine des toys que, dans la Toy story-3, Andy, le personnage principal, devenu adolescent, néglige, délaisse et abandonne. Des jeux et des jouets devenus emblématiques pour des générations entières d’enfants aujourd’hui tombent en désuétude.

Finies les perspectives teintées de rose Barbie se déployant hier encore devant ce secteur de production et son marché : aujourd’hui et l’un et l’autre font face à des bouleversements auxquels ils n’étaient nullement préparés. Les ventes globales qui invariablement croissaient, maintenant reculent d’un 1% par an ; des magasins ferment (La Grande Récré en France, Toys’R’Us en Amérique), des licenciements pleuvent en cascade. Et c’est comme si tout conjure pour attrister les « toys » – tout, y compris la décroissance démographique des grands pays européens qui fait qu’il y ait moins de gosses, du coup…

Quand la survie des jouets passe par leur réinvention

Rien n’est complètement perdu pour Playmobil, Lego, Barbie et Ken. Dans la mesure où ils s’allient au numérique, leur grand rival, et s’inventent une existence digitale, ils ont encore de beaux jours devant eux. Et c’est ce que ces enseignes font : des « StarWars » version Lego, Barbie  – Life in the Dreamhouse, des Playmobils en action sur les tablettes… Poupées et figurines que les enfants d’hier aimaient surtout toucher, palper, manipuler, perdent une part de leur attrait tactile pour devenir des êtres virtuels et se doter de cette présence « web » que tout produit qui se respecte cultive, polit, peaufine et lustre.

A cette époque de mutation et de nécessité de réinvention, même la blonde Barbie est en train de changer. Longtemps critiquée pour les canons qu’elle imposait en consacrant l’emprise de la blondeur, de la minceur et de la haute taille, la belle a enfin accepté de se redéfinir. En effet, beauté tant iconique que canonique, née du temps de Grace Kelly et des standards bien établis de charme et de grâce, Barbie a, depuis tout récemment, entamé une véritable révolution qui la transforme radicalement, qui la rapproche nettement de la vie et qui, disons le – l’humanise. La belle se décline désormais en une multitude de visages et en une diversité de couleurs de peau et de cheveux – une diversité qu’on concevait difficilement chez elle, quelques années seulement en arrière. Barbie apparaît même en taille XL. : une poupée aux formes rondes que nos mamans, petites filles, auraient sans doute rejetée comme une singerie inepte de ce que représente la « vraie » Barbie. Mais les mentalités ont évolué. Hier encore vecteur de la suprématie des cheveux blonds, de la peau blanche et du corps fin, aujourd’hui, la plus aimée des « dolls » porte un message tout différent – celui d’une esthétique multiraciale et celui aussi de l’acceptation de soi, de la grâce d’être soi-même, dans un monde où le beau, très relatif et personnel, est surtout une question de goût

 

Recommandé pour vous