Par Anne-Catherine Pozza – Auteure de Vitamines Soft Skills, Bien vivre en Entreprise à l’ère digitale
À l’ère des data centers et de l’avènement exponentiel des intelligences artificielles, l’entreprise fait face à un défi majeur : préserver la qualité des relations humaines. Isolement, atrophie des compétences sociales, frustrations et anxiété chronique menacent la cohésion des équipes. Comment repenser la culture d’entreprise pour restaurer confiance, appartenance, sens et résilience ? Quatre piliers relationnels, identifiés par la psychothérapeute Esther Perel, émergent comme boussole pour l’avenir.
S’adresser spontanément à un inconnu, échanger quelques mots à l’arrêt de bus : ces gestes quotidiens autrefois naturels deviennent rares, voire suspects. Cette évolution ne concerne pas seulement notre vie sociale : elle s’invite aussi dans nos open spaces.
L’hyperdigitalisation a drastiquement transformé nos interactions professionnelles. Si elles sont maintenant plus rapides et efficaces, elles sont aussi trop souvent déshumanisées. Les compétences sociales, acquises par l’expérience et la spontanéité, s’effacent au profit d’échanges fonctionnels, parfois vides de sens.
Ce glissement progressif, de la simplicité relationnelle à la complexité numérique, a un prix : l’isolement et la perte de connexion authentique. Face à ce constat, l’entreprise doit s’interroger : comment restaurer la qualité du lien humain au travail ?
Les outils numériques facilitent la communication à distance, mais réduisent la place du langage non-verbal et de l’écoute active. Les interactions deviennent plus transactionnelles : réponse par emoji, message laissé sans suite, urgence créée par l’attente d’une réaction immédiate. Ce mode opératoire engendre une distance émotionnelle qui fracture les conversations et brouille la compréhension mutuelle. Comme si nous avions perdu le mode d’emploi.
Le télétravail, s’il a permis une flexibilité inédite, a aussi complexifié les dynamiques d’équipe : la résolution des conflits se fait désormais souvent par des échanges écrits impersonnels. Parallèlement, la multiplication des canaux et la fragmentation de l’attention affaiblissent la disponibilité réelle à l’autre. Certains collaborateurs sont physiquement présents, mais mentalement absorbés ailleurs. Ce « présentéisme » appauvrit la qualité des relations.
Le sens du devoir, de la loyauté et du travail bien fait tend à devenir l’exception, remplacé par la multiplication des options, l’injonction d’immédiateté et la satisfaction individuelle. Cette illusion de liberté s’accompagne d’un risque : l’isolement, la perte de repères et la difficulté à s’engager dans des relations professionnelles profondes et authentiques. L’individualisme, exacerbé par la quête de performance, affaiblit l’esprit d’équipe, la solidarité et le sens du bien commun.
L’avenir du travail ne dépendra pas seulement de la maîtrise des outils digitaux, mais de notre capacité à préserver et enrichir notre humanité. Réapprendre à se rencontrer, à écouter, à soutenir et à célébrer la diversité : voilà la clé d’une entreprise résiliente, innovante et profondément humaine.
Et si, demain, la vraie audace était de réinventer la magie du lien humain ?
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