Ivan HARO: « La diversité doit être envisagée de manière globale »

24 juin 2025

Ivan HARO: « La diversité doit être envisagée de manière globale »

Photos © Ollivier Evard

Ivan Haro, Directeur général de PRO

Monde Économique: Pourquoi l’intégration des personnes en situation de handicap en entreprise est-elle encore perçue comme une contrainte aujourd’hui ?

Ivan HARO: L’intégration des personnes en situation de handicap est encore trop souvent considérée comme une difficulté insurmontable. Elle est fréquemment abordée sous l’angle de la contrainte plutôt que de celui de la création de valeur, car elle implique des ajustements en matière d’environnement, de formation ou d’organisation du travail. Pourtant, ces défis bien réels ne doivent pas masquer la richesse que la diversité peut apporter à une équipe. À mes yeux, la diversité doit être envisagée de manière globale : elle englobe les compétences, les parcours, les expériences, les capacités, les limitations, les origines, les sexes, les âges, et bien d’autres dimensions encore.

Monde Économique: Quels sont, selon vous, les principaux freins que rencontrent les entreprises lorsqu’il s’agit de favoriser l’inclusion ?

Ivan HARO: Les freins sont très probablement liés à la culture d’entreprise, à son organisation interne ou encore à ses objectifs économiques. Les préjugés persistent, notamment cette idée fausse selon laquelle les personnes en situation de handicap manqueraient de professionnalisme. C’est tout simplement inexact. Nos collègues le démontrent chaque jour chez PRO.

Monde Économique: Et comment les entreprises traditionnelles peuvent-elles s’inspirer de votre modèle ou d’un autre pour construire un avenir plus inclusif et performant ?

Ivan HARO: Humblement, je partage l’expérience de PRO, qui s’inscrit dans le cadre d’une mission spécifique d’intégration. L’inclusion ne doit pas être une finalité en soi, mais un moyen. Elle représente une opportunité de renforcer la solidarité et le respect, de révéler des talents insoupçonnés, d’adapter l’organisation du travail et l’ergonomie des postes. La démarche inclusive contribue à réduire les risques psychosociaux, à faire baisser le taux d’absentéisme, et à améliorer la performance ainsi que le bien-être des équipes.
Chez PRO, nous comptons aujourd’hui plus de 50 nationalités, plus de 60 métiers, des handicaps psychiques, des déficiences intellectuelles, des troubles physiques ou sensoriels, toutes les tranches d’âge, des parcours migratoires, des allophones, des analphabètes, des universitaires et bien d’autres profils. Cette diversité, et surtout ces complémentarités, sont au cœur de notre réussite. Notre diversité est notre force.

Monde Économique: Avec quels types d’entreprises ou d’organisations collaborez-vous, et comment ces partenariats contribuent-ils à renforcer votre mission sociale tout en assurant votre viabilité économique ?

Ivan HARO: Nous collaborons avec des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs : des multinationales, des PME locales, des entités publiques ou parapubliques, etc. PRO étant autofinancée à plus de 80 %, nous vivons essentiellement des biens et services que nous fournissons chaque jour à plus de 800 clients, dans le strict respect des critères de qualité, de prix et de délais convenus. Chez PRO, performance économique et mission sociale vont de pair et démontrent que handicap ne rime pas avec incompétence.

Monde Économique: Dans un monde où la performance économique reste un objectif central, pensez-vous que les entreprises devraient repenser leur approche de l’inclusion professionnelle et considérer les personnes en situation de handicap comme une opportunité plutôt qu’un fardeau ?

Ivan HARO: J’aurais envie de vous répondre par une autre question : dans une société marquée par une décroissance démographique, un manque chronique de main-d’œuvre et une quête de sens toujours plus forte, peut-on vraiment se priver des compétences des personnes en situation de handicap ? Rappelons que près de 20 % de la population suisse présente une atteinte à la santé. Ce sont autant de talents et de forces de travail disponibles ! Et si vous ajoutez une pincée de RSE à l’ensemble, vous avez sans doute déjà une partie de la réponse.

Monde Économique: Comment PRO peut-elle faire face à l’augmentation constante des besoins en intégration de personnes en situation de handicap dans des environnements adaptés ?

Ivan HARO: En restant fidèle à notre mission première : créer des emplois pour des personnes exclues du marché du travail ordinaire, notamment en raison d’un handicap. Pour garantir la pérennité de cette mission, il faut maintenir un équilibre subtil entre performance économique et impact social. Cela suppose d’ajuster continuellement notre offre de prestations aux attentes du marché et aux besoins réels de nos clients.
Cette exigence nous pousse à innover, à développer de nouvelles activités et à créer ainsi des emplois adaptés. Cela passe également par le renforcement de nos dispositifs d’accompagnement, la diversification de nos formations, et l’établissement de nouveaux partenariats. C’est un cercle vertueux : plus nous répondons aux attentes de nos clients avec un travail de qualité, plus nous avons la capacité de créer des opportunités d’emploi. Cette logique guide notre action au quotidien. Dans un monde complexe et exigeant, nous cherchons à accompagner nos collègues « atypiques » en leur offrant des parcours professionnels valorisants et durables.

Monde Économique: En plus de sa mission d’intégration, PRO mène des mandats de réadaptation pour le compte de l’assurance invalidité (AI). Dans ce cadre, comment préparez-vous les bénéficiaires à un retour sur le marché du travail ordinaire ?

Ivan HARO: Ces mandats visent à permettre aux bénéficiaires de retrouver une activité professionnelle sur le marché ordinaire et d’éviter ainsi une rente AI. Notre approche est centrée sur l’accompagnement dans la montée en compétences et l’individualisation des parcours. L’objectif est d’amener progressivement chaque personne vers une autonomie pleine et entière.
Nous développons notamment des formations qualifiantes qui valorisent les compétences acquises et facilitent une insertion professionnelle durable. Par ailleurs, nous construisons des passerelles avec de nombreuses entreprises, répondant ainsi aux attentes de l’ensemble des parties prenantes. L’idée est que chaque personne accompagnée par nos spécialistes puisse trouver une place correspondant à ses limitations, à ses compétences et à ses aspirations — tout en étant alignée avec les besoins du marché.

Monde Économique: La success story de PRO est-elle duplicable ?

Ivan HARO: Probablement. Nous avons la chance de vivre en Suisse, un pays riche en « success stories ». Il existe de nombreux modèles d’accompagnement, différents et complémentaires, qui permettent à chacun de trouver une solution adaptée à sa situation.
Notre spécificité réside dans notre modèle, notre vision entrepreneuriale, libérale et profondément humaniste de l’intégration. À ce titre, je crois que nous démontrons chaque jour que performance économique et performance sociale ne sont pas antinomiques. Dans une logique d’inclusion et de cohésion, il est essentiel d’adopter une approche pragmatique et réaliste, qui respecte la culture d’entreprise. Bientôt, je l’espère, l’inclusion ne sera plus une exception, mais bien la norme.

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