Le gain, c’est la rémunération du risque

10 décembre 2019

Le gain, c’est la rémunération du risque

Par Stéphane Boudrandi

Ne nous trompons pas. Comme toutes les dispositions humaines, l’audace n’est pas commune à tous

Au nom d’un impératif catégorique qui nous oblige à agir, la responsabilité de certains, peu nombreux, est de s’exposer pour tous les autres. Car « qui ose gagne » !

L’actualité fourmille d’exemples qui illustrent, d’une manière générale, l’aversion que la société a pour le risque. Le principe de précaution qui s’impose très souvent désormais aux nombreuses activités humaines, particulièrement dans les champs complexes de l’innovation, semble pour certains très éloigné de la culture du chercheur. La science progresse par le doute, pas par les certitudes. 

Certes, en écrivant cela, nous ne pouvons qu’encadrer nos propos des limites posées par les retentissantes catastrophes, industrielles ou guerrières, qui jonchent le sol de notre histoire. Et bon nombre de victimes auraient été épargnées avec un plus profond respect des hommes comme de la nature. Pourtant, la performance est inexorablement liée au risque. 

Prenons le cirque par exemple, c’est autant la beauté du mouvement que la probabilité de la chute qui fait s’ébahir le public lorsque l’artiste se jette dans les airs. En bourse, le rendement est proportionnel à l’incertitude, on dit que le rendement est le « frère jumeau » du risque. La prise de risque comporte comme bienfait une source de créativité. Une innovation n’apparaît pas dans le cadre d’une routine, et sortir de celle-ci est bien la base de toute performance. 

Le « extra » du mot extraordinaire appelle à rompre l’habitude. Mais pour sortir de cet ordinaire, il faut une disposition particulière qui est le plus souvent innée, mais qui peut aussi être acquise, au fil du temps et des expériences. Cette disposition, c’est l’audace. La propension à oser. Les plus familiers de la chose militaire retrouverons sans peine derrière ces mots l’emblématique devise qui caractérise une des plus illustres unités d’élites.

Et ceux qui ont de la Révolution française une connaissance approfondie reconnaîtrons sans doute la tirade d’un député, qui clamait, à la représentation nationale aux pires journées de 1792 « de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace et la France est sauvée ».

Oser, oui, mais pas à la manière de Twain dans sa célèbre citation « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait.» C’est accepter consciemment, avec courage, de prendre un risque, c’est à dire de perdre ce que l’on a, au nom d’un hypothétique gain, matériel ou immatériel. C’est, tout en redoutant les conséquences, tout mettre en œuvre pour atteindre l’objectif poursuivi.

Il est ainsi de tous les domaines de la connaissance. La découverte de notre planète s’est faite aux prix de risques innombrables pris par de très honorables aventuriers. De la surface des mers aux abîmes, de l’air à l’espace, la connaissance progresse par le risque.Et toutes les créations et découvertes s’inscrivent dans cette logique.

Oser, oui, mais pourquoi ?

Pour changer le monde. Sa compréhension, sa représentation, en améliorer toujours plus la beauté et en permettre le futur. Au moment où de nombreux dérèglements nous menacent, il ne s’agit pas de renoncer. Ne nous trompons pas. Comme toutes les dispositions humaines, l’audace n’est pas commune à tous, comme nous ne sommes pas tous poètes, athlètes ou mathématiciens. Mais c’est le rôle des adultes, particulièrement des enseignants, de guider les plus hardis dans la voie de l’anticonformisme, celle qui débouche sur des « BohemianRhapsody ». Dernièrement j’écrivais à un adolescent « Certains brillent de manière exclusive, comme une étoile qui scintille pour la nuit des temps, d’autres irriguent la terre de manière invisible et pour l’éternité. La vie est ainsi faite. Chacun a une place différente. Tu dois découvrir ta voie. Qu’elle soit étoile ou rivière, elle est vitale pour notre humanité. »

Au nom d’un impératif catégorique qui nous oblige à agir, la responsabilité de certains, peu nombreux, est de s’exposer pour tous les autres. Car « qui ose gagne » !

 

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