LE JOUR OU MACRON S’EST ATTAQUE A LA REGLE EUROPEENNE DES 3% DE DEFICIT PUBLIC

5 décembre 2019

LE JOUR OU MACRON S’EST ATTAQUE A LA REGLE EUROPEENNE DES 3% DE DEFICIT PUBLIC

Par Dessy Damianova

Un mois après l’interview qu’Emmanuel Macron avait accordée au magazine The Economist, les propos que le président français y a tenus contre des institutions et des normes établies depuis longtemps et dont l’existence a toujours été considérée comme une éclatante évidence, continuent à agiter le monde politique, économique et médiatique. Dans cet entretien, Macron n’hésitait pas à secouer de véritables sanctuaires de la vie européenne et internationale allant jusqu’à s’attaquer à l’OTAN et aux fondements économiques de l’Union Européenne. Ayant diagnostiqué la « mort cérébrale » de l’Alliance atlantique, le président français a vertement critiqué la norme constitutive de la Zone euro de l’UE, à savoir l’exigence, pour les pays membres, de maintenir leur déficit public au- dessous de 3% du PIB – exigence les débats autour de laquelle s’étaient vu qualifier par Macron de « débats d’un autre siècle ».

L’« annonce », par Emmanuel Macron, de la « mort cérébrale » de l’OTAN n’a pas manqué de provoquer une avalanche de commentaires sur les pages des médias et sur les réseaux sociaux. Dans les lignes suivantes, nous avons choisi de nous arrêter plutôt sur l’autre déclaration surprenante que le président français a faite dans le cadre de son interview pour The Economist et qui, cette fois, concernait la canonique règle des 3% de l’Union Européenne et de sa Zone euro.

Vers une plus grande expansion économique européenne.  

Le maintien du déficit public des pays membres de la Zone euro au- dessous de 3% de leur PIB constitue, depuis l’adoption de la monnaie unique en 1999, l’exigence première (et sine qua non) d’appartenance à la Zone euro. Erigée en véritable dogme, cette contrainte scinde en deux les pays de l’Union Européenne dont dix-neuf, sur l’ensemble des Vingt- huit, y satisfont et donc adhèrent à ladite zone, et le reste des membres – non.

Mais ce n’est pas à cause de la division qu’elle introduit en Europe que Macron s’attaque à la règle des 3%, allant jusqu’à décrire le débat autour d’elle comme « un débat d’un autre siècle ». C’est le caractère restrictif et limitatif de ce postulat qui inquiète l’actuel président français : « Nous avons besoin de plus d’expansionnisme, de plus d’investissement. L’Europe ne peut pas être la seule zone à ne pas le faire. Je pense que c’est pour ça aussi que le débat autour du 3% dans les budgets nationaux, et du 1% du budget européen, est un débat d’un autre siècle. » – a déclaré Macron devant « The Economist ».

Hier encore considérée comme « règle d’or », « dogme », « principe fondateur », « norme sacro- sainte », l’exigence de limitation à 3% du déficit public est désormais vue comme trop conservatrice et restrictive. Les pays qui essaient de s’y tenir (et pour l’instant, ils y sont bien obligés) se voient contraints à limiter leurs investissements. En même temps, les Américains et les Chinois investissent massivement dans les technologies de pointe comme la 5G, l’intelligence artificielle (IA) et le cloud. Or, ensemble avec son ministre de l’économie, Bruno Le Maire, le président français rêve de l’«émergence d’un champion européen de l’intelligence artificielle », un champion comme les Etats- Unis en possèdent  déjà plusieurs dans le domaine du digital et qui se nomment Google, Facebook, Amazon. 

Le système de Maastricht – un cadre devenu trop étroit pour l’économie au 21-ème siècle ?

Dans la perspective d’Emmanuel Macron et de son équipe économique, la norme des 3%, s’est donc transformée en un tabou obsolète et rétrograde qu’il s’agit de briser pour pouvoir aller de l’avant. Mais pour cela, il faut toucher au sacro-saint Traité de Maastricht, l’acte considéré ni plus ni moins comme fondateur de l’Union Européenne.

Et quand on dit Maastricht, on pense, d’autre part, élargissement de l’UE à l’Est et au Sud-Est. Or, là aussi Macron paraît de moins en moins maastrichtien et de plus en plus défavorable à une extension politique ultérieure de l’Union : un mois seulement en arrière, il a mis son véto sur l’ouverture des négociations d’adhésion de l’Albanie et de la Macédoine du Nord. Le président français semble percevoir ce qu’on peut appeler l’incohérence du Traité de Maastricht qui, très libéral, généreux et expansif dans le domaine politique (avec, notamment, le feu vert donné à l’élargissement à l’Est), a été très restrictif et contraignant dans le domaine économique. En politique, l’acte de Maastricht, adopté presque trente ans en arrière, abolissait les frontières, alors qu’en économie il établissait des limites très restrictives.

Aujourd’hui, voulant repousser, voire briser, la limite des 3% de déficit public et cherchant à libérer les investissements, Emmanuel Macron tendrait-il à renverser la tendance et restituer à l’Europe sa vocation économique, passablement négligée depuis ledit Maastricht au profit de l’idée qu’on se faisait de puissance et de grandeur géopolitiques ?    

 

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