QUAND L’OURS RUSSE POSE UNE PATTE BLANCHE SUR LA TERRE DES LIONS

7 mai 2019

QUAND L’OURS RUSSE POSE UNE PATTE BLANCHE SUR LA TERRE DES LIONS

Par Dessy Damianova

Après une période d’hibernation, les relations entre la Russie et l’Afrique se ravivent de manière spactaculaire.

Certains se le rappellent peut-être encore : à la fin des années septante et dans la première moitié de la décennie 80, la Russie soviétique était sur tous les fronts africains. Elle appuyait les luttes de libération nationale, armait des mouvements anti- colonialistes, encourageait des coups d’Etat ou soutenait des leaders qui, déjà au pouvoir, manifestaient un certain attachement à l’idée communiste que l’URSS voulait imposer à l’échelle mondiale.  L’effondrement de ce même URSS en 1990 devait marquer un changement radical dans cette politique. Abandonnant ses idées « internationalistes » et contrainte à faire face à l’éclatement de son propre empire, la Russie s’était désintéressée à l’Afrique et cela au point de disparaître presque totalement, en termes de présence géo- politique, du Continent noir. Cette hibernation amorcée sous Eltzine a duré plus de deux décennies dont au moins quinze ans sous la présidence de Poutine.

Une Afrique toute différente de celle d’avant.

Pendant lesdites décennies, bien des choses ont changé. Il n’y a plus de « Tiers monde » et il n’y a plus ces « pays sous- développés » que la Russie soviétique voulait, d’une manière condescendante- protectrice, prendre sous sa raide aile d’aigle (l’aigle étant l’autre symbole animalier du géant euro- asiatique). Aujourd’hui, c’est l’époque des « émergents », ces émergents qui parfois le sont au même titre que la Russie, elle aussi classée dans la catégorie des pays dont l’économie, en pleine croissance, pose pourtant encore quelques problèmes et nécessite fortement des investissements étrangers.

Et un autre grand changement : en Afrique sont apparus de nouveaux acteurs dont les positions s’affirment chaque année davantage et qui, d’acteurs purement économiques au début, deviennent de plus en plus d’importants protagonistes politiques et même militaires dans la région. Il s’agit avant tout, on l’a déjà deviné, de la Chine : ce frère-ennemi de la Russie a déjà mené à bien en Afrique des centaines de projets économiques et financiers liés surtout au développement de l’infrastructure. Et les Chinois n’entendent pas en rester là. Au Forum de coopération sino- africaine qui s’est tenu en automne de l’année passée à Pékin, Xi Jinping a promis d’investir encore pas moins de 60 milliards de dollars dans la croissance économique du Continent noir.

De quoi exaspérer Moscou qui, réalisant son retard, se dépêche, depuis 2017, à rattraper le temps perdu.

Vers le premier sommet Russie- Afrique, cet automne, à Sotchi.

En effet, la Russie essaie par tous les moyens de raviver ses liens historiques avec l’Afrique et de s’y positionner à son tour comme un acteur de premier rang. Surfant sur la traditionnelle méfiance des populations locales à l’égard des anciennes puissances coloniales et des Etats-Unis mais aussi sur un certain ressentiment contre l’effervescence chinoise dans la région, la Russie entame son grand retour sur la scène politique et économique du Continent noir et espère y être accueillie comme cette puissance rassurante et calme dont les Africains ont, comme elle semble le croire, toujours eu besoin.    

Ce qui prime pour l’instant, c’est l’économie. Et de ce côté-là, quel progrès ! En moins de deux ans, des dizaines de partenariats russo- africains avaient été établis dans les domaines miniers, énergétiques et même nucléaires. Dans ce dernier champ, l’Egypte, le Nigéria et le Soudan font figure de champions étant les premiers à signer avec la Russie des accords pour la construction de centrales nucléaires. Le grand partenaire du Nord cherche, d’autre part, à investir dans l’extraction de ressources naturelles, si abondantes en Afrique. La Russie obtiendra ainsi accès à des réserves de chrome, de platine, de plusieurs métaux rares ainsi qu’à ces richesses particulièrement précieuses du Continent noir que sont l’uranium, le pétrole et les diamants.

Planifiée pour se tenir au mois d’octobre à Sotchi, la première rencontre au sommet Russie- Afrique est dors et déjà vue comme historique. Conçue comme un face-à-face de chefs d’Etat et de gouvernement et des responsables d’entreprises africaines et russes, objet d’un décret spécial signé au mois de février par le président Poutine, cette rencontre est très attendue de part et d’autre. Elle va sans doute donner une impulsion nouvelle aux relations russo- africaines tant dans le domaine économique que dans celui de la politique et de la géo- politique.

 

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