TRANSFORMATION DES ENTREPRISES : MISE EN APPLICATION: Volet 4/4

20 juin 2021

TRANSFORMATION DES ENTREPRISES : MISE EN APPLICATION: Volet 4/4

Par Karim Keita

la transformation environnementale

La dégradation rapide des conditions climatiques a sensibilisé les sociétés à la nécessité d’agir rapidement pour préserver la planète.

A la responsabilité sociale des entreprises se superpose donc une responsabilité environnementale, supposée contraindre les organisations à non seulement respecter la législation et la réglementation en termes de pollution, risques industriels, biodiversité etc, mais aussi à assumer la responsabilité de l’impact de leurs activités sur l’environnement.

La politique environnementale des entreprises se voit ainsi régulièrement scrutée, auditée, contrôlée par la société civile, les ONG, les investisseurs, les salariés, les consommateurs…et fait l’objet de rapports extra-financiers de plus en plus exigeants.

Sous cette impulsion, l’économie amorce une transformation profonde, fondée sur le changement des pratiques professionnelles et des processus opérationnels (logistique, production, commercialisation…) d’une part, sur la réorientation des investissements publics et privés vers les secteurs « Green » d’autre part. Cette mutation va nécessairement impliquer de nombreuses disparitions d’activités non-écologiques, de reconversions professionnelles, d’émergence de nouveaux métiers (energy manager, responsable achats durables, juriste en environnement…).

Elle va également stimuler la créativité et l’innovation, amenant les entreprises à proposer des produits plus écologiques, des prestations de services contribuant au bien-être environnemental, des technologies plus propres ou plus économes…En bout de chaîne, les consommateurs, plus conscients des enjeux écologiques, vont accompagner le développement de nouveaux segments de marché, totalement dédiés à la cause environnementale, comme les produits végétaliens, les vêtements organiques, la permaculture…

Mais reprenons les choses dans l’ordre.

Au-delà des débats médiatisés sur le réchauffement climatique, la responsabilité environnementale des entreprises est une réalité opérationnelle qui engage les entreprises à améliorer leurs propres performances, mais aussi celles de leurs parties prenantes (chaîne logistique notamment).

Cela implique de transformer l’organisation des entreprises afin qu’elle satisfasse :

  • Au principe de précaution, qui stipule que, « en cas de risque de dommages graves ou irréversibles pour l’environnement ou la santé humaine, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures d’un coût économiquement acceptable visant à prévenir la dégradation de l’environnement ou un dommage pour la santé humaine » (Déclaration de Rio) ;
  •  Aux impératifs de la gestion du risque pour l’environnement, qui contraint les entreprises à « développer et mettre en oeuvre des activités de sensibilisation ainsi que des procédures de réponse aux situations d’urgence afin de limiter et d’atténuer les impacts d’accidents sur l’environnement, la santé et la sécurité et de transmettre des informations concernant les incidents environnementaux aux autorités et communautés locales concernées » (Déclaration de Rio);
  • Au mécanisme de pollueur-payeur,qui fait supporter à l’entreprise le coût de la pollution occasionnée par ses activités, en fonction, soit de l’impact environnemental pour la société et de l’action corrective requise, soit du niveau de pollution .

Repenser les chaînes de valeur

C’est toute l’approche cycle de vie qui doit ainsi être repensée, afin de réduire, neutraliser ou compenser les impacts environnementaux des produits et services tout au long de la chaîne de valeur, depuis l’extraction de matières premières et la production d’énergie, jusqu’à la mise au rebut ou à la récupération en fin de vie, en passant par la fabrication et l’utilisation.

La démarche peut aller jusqu’au reengineering, sachant qu’il est souvent préférable d’apporter des améliorations à la source (utilisation d’énergies renouvelables, réduction de la consommation de matières premières et d’énergie) plutôt qu’à la fin d’un processus ou d’une activité.

Nouveaux usages, nouveaux marchés

La transition environnementale se concrétise également par la création de nouveaux marchés et de nouveaux usages. Il y a les produits écologiques bien sûr, qui s’étendent progressivement, avec plus ou moins de légitimité, à tous les secteurs économiques : alimentaire, cosmétique, textile, chimie, construction, transport etc.

Autre tendance : le home-made, qui incite les consommateurs à fabriquer eux-mêmes leurs produits, sans recours aux produits toxiques. D’où l’engouement général pour le bicarbonate de soude, le vinaigre blanc, le savon noir…

Un phénomène plus radical : le renoncement à la propriété au profit du partage ou de la location, dans l’objectif d’économiser de la matière première, de l’énergie, et de limiter les déchets ou la pollution. On pense ici bien sûr au covoiturage, à la location d’outils de bricolage, à la mise en commun des machines à laver dans les résidences (une pratique très développée en Suisse), au troc d’objets, etc.

Emergence de l’économie circulaire

Une tendance moins visible mais à fort potentiel est le paiement à l’usage : l’utilisateur ne paye que pour l’utilisation réelle d’infrastructures de production, de supports informatiques, de moyens logistiques…, ce qui permet de limiter le gaspillage d’énergie et de matière première.

Ces tendances participent de ce que les experts appellent l’économie de la fonctionnalité, qui part du principe que la valeur ajoutée fait la richesse, bien plus que la propriété, la surconsommation énergétique ou l’exploitation incontrôlée de matières premières.

Appelée aussi économie circulaire, elle privilégie l’usage à la possession et incite à vendre des services liés aux produits plutôt que les produits eux-mêmes : velos en libre-service, leasing de véhicules (voire de pneus, comme le fait Michelin pour ses clients du transport routier), logiciels en mode SAAS etc

Transformer la mondialisation ?

Cette préoccupation pour l’environnement pourrait bien devenir le levier de transformation du monde le plus puissant. Cela fait des décennies que les grandes Organisations mondiales (ONU, OMC, FMI, Banque Mondiale…) et les ONG s’efforcent d’influencer les bonnes pratiques économiques et sociales des multinationales et des grandes sociétés exportatrices (lutte contre la corruption, réglementation des échanges commerciaux, défense des Droits de l’Homme…), avec des résultats positifs, mais encore assez loin de leurs ambitions. L’urgence climatique, les catastrophes naturelles et la raréfaction des matières premières vont laisser beaucoup moins de latitude aux entreprises pour négocier le maintien de leur zone de confort et de leur autonomie avec les grandes instances régulatrices internationales, mais aussi avec les sociétés civiles locales, de plus en plus inquiètes et de mieux en mieux informées.

Ce sont du coup les chaines de valeur mondiales qui vont devoir se transformer, dans le but d’économiser les ressources naturelles non renouvelables, de consommer moins d’énergie, d’épargner la vie de communautés fragilisées par la détérioration de leur habitat.

Les conséquences seront variées : relocalisation industrielle, achats en circuits courts, recherche d’indépendance énergétique ou d’autonomie alimentaire, développement de l’agriculture biologique ou du traitement des eaux usées…

Ce sont donc les fondamentaux de la mondialisation qui risquent d’être remis en cause, comme on a pu déjà le voir avec la crise sanitaire actuelle. Avec des effets potentiellement vicieux, comme le dumping environnemental, qui consiste à délocaliser les activités polluantes dans les pays les moins régulés, ou l’instrumentalisation des crédits carbone.

Ces risques sont heureusement bien identifiés par les pouvoirs publics, qui ont compris que c’est en associant les entreprises ainsi que les sociétés civiles à leurs démarches de réforme du commerce international qu’ils réussiront à installer progressivement une gouvernance capable de prévenir ou de neutraliser les terribles impacts de l’économie mondialisée sur l’environnement.

Il y a peut-être une leçon d’ordre moral ou spirituel à méditer par rapport à tout ceci : il n’y pas plus puissante et vertueuse transformation que lorsque toute l’humanité s’implique, en bonne intelligence avec son environnement….

Retrouvez les 4 volet sur la Transformation des entreprises ici Volet 1/4 – Volet 2/4 – Volet 3/4

Retrouvez l’ensemble des articles Gestion d’Entreprises ici

 

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